SAGESSE. Le ras-le-bol des personnels des maisons de retraite a fini par exploser. L’occasion de mesurer l’ampleur de leur frustration, empêchés de traiter au mieux leurs pensionnaires par manque de moyens. Et de s’interroger sur les différentes façons de gérer la perte d’autonomie des personnes âgées. Entre les Ehpad et le maintien à domicile, le JT a exploré cette semaine les solutions alternatives pour offrir à nos aînés une attention digne de ce nom.
© DRLe mouvement de grève lancé par les personnels des maisons de retraite à la fin du mois de janvier a beau avoir été soudain, personne n’a véritablement été surpris dans le milieu. Cela fait en effet plus de 10 ans que le sujet des moyens alloués à la prise en charge de la dépendance est sur la table, depuis le Plan Solidarité Grand Âge, qui préconisait alors un ratio d’encadrement d’un pour un dans les Ehpad. Aujourd’hui, ce ratio est toujours inférieur à six professionnels pour dix pensionnaires. « On est encore loin du compte. Le diagnostic a été posé il y a longtemps mais rien n’a été fait.
Certes, les dépenses de l’État pour le secteur ont augmenté. Mais pas à la mesure de la situation. Les Ehpad sont au carrefour des difficultés, ceux qui y arrivent ont beaucoup plus de pathologies qu’auparavant », explique Didier Carles, président de l’Adespa, antenne régionale de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).
Le constat est en effet inquiétant. Dans les maisons de retraite, le taux d’accidents du travail, supérieur à celui du bâtiment, témoigne des conditions extrêmes des personnels soignants. Le terme de maltraitance institutionnelle envers les personnes âgées a même été largement évoqué. « Il y a eu des débats sur la mauvaise image que nous donnons des maisons de retraite. Chaque acte pris séparément n’est pas maltraitant, c’est la somme de tout qui le devient. Nous devons tout faire trop vite. Mais mon rôle en tant que directeur d’établissement est de valoriser ce qui est bien fait au quotidien et nous avons fait des progrès formidables ».
Pour Valentine Trépied, sociologue spécialiste du vieillissement en maison de retraite médicalisée, c’est tout un système qui est arrivé à bout : « On demande aux Ehpad d’être à la fois des lieux de vie – on y passe 2 ans et demi en moyenne – et de médicalisation. Or c’est clairement ce second aspect qui prend le pas, avec un rythme de travail digne des cadences d’usine. » Alors que les pays du Nord de l’Europe ont fait le choix de créer des structures publiques, au Sud, les États investissent très peu dans le secteur et délèguent la prise en charge des personnes âgées aux familles. « La France a une position ambivalente. On met en avant l’autonomie dans les maisons de retraite sans en donner les moyens », souligne Valentine Trépied. Si depuis les années 1960, les politiques de vieillesse en France ont surtout misé sur le maintien à domicile, Didier Carles confirme que cette volonté n’est pas réellement assumée : « Maintenir les personnes âgées chez elles, pourquoi pas ? Cela coûte certainement moins cher. Mais encore faut-il reconnaître le travail des aidants familiaux en leur donnant un statut. »
Pendant ce temps, les Ehpad continuent de chercher des solutions pour assurer au mieux leur mission et espèrent surtout que les attentes du public envers eux soient mises en adéquation avec les moyens dont ils disposent. Dans une société qui a tendance à discriminer la vieillesse, Valentine Trépied estime, elle, qu’il faudrait « repenser en profondeur la manière dont on se représente les personnes âgées ».
sanitaire-social.com, “Le Figaro” et Retraite Plus
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