DÉLIVRANCE. Mardi, le tribunal correctionnel de Toulouse a prononcé la relaxe de Céline Boussié, accusée de diffamation pour avoir dénoncé les mauvais traitements dans un centre pour enfants handicapés. Elle espère désormais qu’une véritable protection se mette en place pour les lanceurs d’alerte.
© Franck Alix« Quand le mot relaxe a été prononcé, je n’ai pas vraiment compris. Ce n’est qu’au moment ou toute la salle s’est levée pour applaudir que j’ai réalisé. Je me suis dit : ça y est, on a réussi pour les enfants », raconte Céline Boussié au lendemain du verdict rendu par le tribunal correctionnel de Toulouse. Intimement, celle qui était poursuivie en diffamation pour avoir dénoncé de mauvais traitements dans un établissement accueillant des enfants handicapés était persuadée qu’elle allait être condamnée. Comme deux autres anciens salariés de l’Institut médico-educatif (IME) de Moussaron avant elle. Le soulagement a donc été immense à l’annonce de la décision. « Pas pour moi, mais pour les enfants et les ados victimes de maltraitances. Cette relaxe, c’est une reconnaissance des dysfonctionnements que nous avons été plusieurs à signaler », précise Céline Boussié.
Les messages de soutien écrits par des parents ou des enfants étaient nombreux mardi, accrochés aux grilles de tribunal. Et l’émotion était grande à la sortie de Céline Boussié tant ce jugement comporte une dimension symbolique. C’est en effet la première fois qu’une lanceuse d’alerte est relaxée en France. Même si elle trouve « le costume trop grand » pour elle, Céline Boussié est déterminée à continuer le combat pour la reconnaissance de ce statut et une véritable protection. Afin que d’autres n’aient pas à subir le harcèlement moral qu’elle et ses enfants ont enduré. « Actuellement, il n’y a rien qui met à l’abri ceux qui dénoncent. Ils sont licenciés, mis sur le bas côté et montrés du doigt », regrette Jean-Marc Dubois, candidat suppléant de Céline Boussié pour la France Insoumise aux législatives dans le Lot-et-Garonne.
En 2016, la loi Sapin 2 avait pourtant défini le statut de lanceur d’alerte et les manières de les protéger. « Mais le domaine médico-social n’était pas inclus dans le dispositif et entre temps, cette loi a été vidée de son sens par les ordonnances sur la loi travail. Il y a également une jurisprudence datant de 2007 sur l’interdiction de licenciement de salariés dénonçant des dysfonctionnements, mais qui n’est jamais appliquée », détaille Céline Boussié, qui appelle de ses vœux le projet de plateforme de soutien juridique, psychologique et financier porté par le groupe de la France Insoumise à l’Assemblée nationale. Elle s’estime chanceuse. Durant cette période difficile, elle a bénéficié de la solidarité de nombreuses associations, d’amis proches et même de ses avocats qui lui ont offert leurs frais d’honoraires.
Forte du verdict rendu mardi, la femme de 42 ans qui bénéficie d’une Allocation de solidarité spécifique, peut enfin se tourner vers l’avenir et aimerait mettre son expérience à profit à travers la formation professionnelle. Mais la partie n’est pas tout à fait terminée. Il lui reste à passer devant les prud’hommes pour sa procédure de licenciement. Malgré un rapport accablant de l’Agence régionale de santé et une mise sous tutelle provisoire, l’IME de Moussaron n’a jamais été condamné. « On va d’abord savourer. Ensuite, on se donnera le temps pour envisager des poursuites », souffle la lanceuse d’alerte.
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