PROUT – Lorsqu’ils sont décomposés par des bactéries, les excréments dégagent différents gaz, notamment du méthane. Ce combustible peut être utilisé pour produire de l’électricité ou du biogaz grâce au procédé de la méthanisation. Depuis quelques années, agriculteurs, industriels et collectivités prennent conscience de ce gisement d’énergie renouvelable. Rencontre avec ceux qui parient sur l’or marron à Toulouse et dans la région.
©Exposito-JL« En 2009, j’avais des problèmes avec les odeurs des effluents d’élevage de mes vaches, je me suis renseigné pour savoir si je pouvais les méthaniser. Je me suis rendu compte que cette technique permettait de produire de l’électricité et du chauffage. Avec du négatif on sort de l’énergie, c’est fabuleux ! » s’enthousiasme Christophe Canezin, agriculteur à Vic-Fezensac dans le Gers. En 2009, il décide de se lancer. Le principe est simple : les lisiers de ses vaches laitières sont injectés dans de grandes cuves recouvertes d’une bâche étanche puis mélangées à des résidus de culture. Lorsque les bactéries décomposent ces déchets, une réaction se produit : du dioxyde de carbone et du méthane se dégagent. Le méthane est capté par des tuyaux pour être envoyé dans un moteur qui produit d’un côté de l’électricité et de l’autre du chauffage via le processus de refroidissement. « Ce système me permet de produire 100 kilowatts d’électricité par heure que je réinjecte dans le réseau. C’est l’équivalent de la consommation de 300 foyers », souligne l’agriculteur. Il chauffe aussi sa maison et celle du voisinage. « J’économise environ 1 500 euros par mois de chauffage. » La matière restante, elle, devient un fertilisant naturel et peut être épandue dans les champs.
Christophe Canezin est le premier en ex-Midi-Pyrénées à avoir installé une telle unité sur sa ferme. À l’époque, son projet pilote reçoit le soutien de la Région et de l’Agence nationale de l’environnement. En 2013, Martin Malvy, président de Région, annonce sa volonté de voir s’installer 100 méthaniseurs d’ici 2020. Car selon la collectivité, le potentiel de production du biogaz, issu principalement de l’exploitation des excréments, peut atteindre jusqu’à 2 200 GWh par an en ex-Midi-Pyrénées, soit l’équivalent du quart de la consommation de gaz (résidentiel et tertiaire).
Ce potentiel, Elie Bart y croit aussi. Son entreprise, Sud-Ouest Biogaz accompagne les agriculteurs dans l’installation de méthaniseurs. Après un rapide calcul, il estime qu’« avec une unité moyenne d’une capacité entre 5 000 à 10 000 tonnes, il est possible de couvrir les besoins de 80 foyers se chauffant en électricité et 800 foyers ne se chauffant pas à l’électricité. » Reste que pour l’instant, les installations existantes en Occitanie ont du mal à trouver leur rentabilité. Parmi les nombreuses raisons, des lourdeurs administratives et des investissements importants : « Il faut compter au minimum 600 000 euros », explique Elie Bart. À cela, s’ajoutent parfois des réticences de la population liées notamment au transport des fumiers par camion… « Nous pensons que l’avenir est plutôt dans les unités moyennes, de 5 000 à 10 000 tonnes, où quelques agriculteurs construisent un projet en commun. »
Dans ce contexte, la filière n’a pas décollé aussi vite que prévu. Quatre ans après l’annonce de Martin Malvy, « on compte 76 initiatives actives et 51 unités déjà en fonctionnement», détaille Agnès Langevine 3e vice-présidente de la Région Occitanie en charge de la Transition écologique. La région remet actuellement à plat ses engagements et présentera en juin son scénario de soutien à la filière. « Ce qui est sûr c’est que la biomasse et la méthanisation vont concourir à l’objectif affiché de devenir une région à énergie positive. C’est aussi un revenu d’appoint pour les agriculteurs, ce n’est pas négligeable», ajoute Agnès Langevine.
Alors que la filière de méthanisation agricole cherche encore son rythme de croisière, des collectivités comme Toulouse se tournent aussi vers le potentiel des excréments. Mais de celui des habitants cette fois. D’ici la fin de l’année 2019, la station d’épuration de Ginestous verra s’installer cette technologie sur son site. Parmi les 9000 tonnes de matière restant après filtration des eaux usées, la partie des boues qui sont aujourd’hui compostées sera à l’avenir méthanisée. Le biogaz ainsi produit sera réinjecté directement dans le réseau et racheté par GRDF. Avec Strasbourg ou encore Grenoble, Toulouse fera partie de la poignée de villes injectant directement du biogaz dans le réseau. « Cela représente un gisement potentiel de 40 gigawatts heures/an, soit la consommation annuelle en électricité de 5000 foyers », explique Bernard Soléra, vice-président de Toulouse Métropole en charge de l’Eau et de l’assainissement.
En investissant 24 à 26 millions d’euros, la ville répond ainsi à plusieurs enjeux. « En supprimant la filière actuelle de compostage, nous éliminons une source de mauvaises odeurs et nous réalisons des économies de fonctionnement », explique Bernard Soléra, vice-président de Toulouse Métropole en charge de l’Eau et de l’assainissement. Et de conclure « C’est du pétrole que nous avons dans nos boues.»
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