#LeBQE – Une altercation sur l’appellation de la chocolatine ? Une comparaison intempestive avec la rivale bordelaise ? Quel est donc le “casus belli” qui a pu déclencher l’une des plus furieuses folies meurtrières de l’Histoire (la Première Guerre mondiale), un jour de janvier 1914, sur l’une des terrasses du Capitole à Toulouse ?
La Grande Guerre est au programme de CM2. On y découvre Clemenceau, les Poilus, les tranchées et l’on y apprend que le conflit a fait 18 millions de morts. Mais au sujet du Bibent, ce café de la place du Capitole fondé entre 1900 et 1910 par la famille du même nom, pas une ligne. Pourtant, cette tragédie qui a marqué l’entrée dans le XXe siècle s’est jouée un instant au numéro 5 de la place emblématique de la Ville rose. « C’est à la terrasse du Bibent (…) que trois étudiants serbes, inscrits à la faculté de lettres et affiliés à la société secrète panslave la Main noire, conçurent au début de l’année 1914, les plans de l’assassinat qui devait coûter la vie le 28 juin à Sarajevo, à l’archiduc d’Autriche, François-Ferdinand », et déclencher la Première Guerre mondiale, peut-on lire dans le livre “Toulouse, ville rose” de feu l’écrivain et journaliste local Jean-Jacques Rouch. Comment se fait-il donc que ce détail échappe aux programmes scolaires ?
« C’est de la microhistoire. De l’opérationnel qui date de plus d’un siècle et sur lequel on ne s’est pas beaucoup penché », avertit Gérald Arboit, historien spécialiste des relations internationales contemporaines. Mais celui-ci est formel : « Vous pouvez attester de cette réunion. » Bien qu’imprécise, l’anecdote est vraie. En effet, que ce soit dans les minutes du procès des assassins de l’Archiduc ou dans un témoignage recueilli par l’historien Luigi Albertini, deux des accusés ont mentionné ce rendez-vous toulousain entre divers membres de Jeune Bosnie, une organisation révolutionnaire proche de la Main noire. Toutefois, aucun des protagonistes identifiés n’était étudiant ni ne résidait à Toulouse. « Il faut s’interroger sur le choix du lieu. Le plus probable étant que ce soit une simple contingence déterminée par la commodité logistique. Ils cherchaient sûrement une ville accessible en chemin de fer et loin du regard des services secrets serbes et autrichiens », suppose Gérald Arboit.
Certains documents situent précisément cette rencontre en janvier à l’Hôtel Saint-Gerome (dont nous n’avons pas retrouvé la trace). Celle-ci aurait rassemblé, entre autres, Vladimir Gaćinović, idéologue et Mehmed Mehmedbasic, un jeune révolutionnaire originaire d’Herzégovine qui participera, six mois plus tard, à l’attentat de Sarajavo. Mais selon eux, c’est l’assassinat d’Oskar Potiorek, gouverneur de Bosnie-Herzégovine, qui aurait été planifié ce jour-là. Mehmed Mehmedbašić, désigné pour réaliser le forfait avec une dague empoisonnée, renonça dans le train à accomplir son geste. C’est en juin, quand ils eurent vent du déplacement de l’héritier de l’empire austro-hongrois, que les révolutionnaires se rabattirent sur cette cible plus prestigieuse, provoquant l’étincelle qui allait embraser l’Europe.
Nicolas Belaubre
Nicolas Belaubre a fait ses premiers pas de journaliste comme critique de spectacle vivant avant d’écrire, pendant huit ans, dans la rubrique culture du magazine institutionnel ‘’à Toulouse’’. En 2016, il fait le choix de quitter la communication pour se tourner vers la presse. Après avoir été pigiste pour divers titres, il intègre l’équipe du Journal Toulousain, alors hebdomadaire de solution.
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