Par pendaison, écartèlement, décapitation ou immolation, les exécutions en place publique étaient de rigueur au temps des Capitouls. Du Moyen-Âge à 1789, ces derniers, magistrats de la ville, condamnaient les criminels ayant commis des actes graves à cette fin tragique. Des endroits précis à Toulouse y étaient même dédiés, mais est-ce vraiment le cas de la rue des Bûchers, comme le voudrait la logique ?
A Toulouse, la dernière exécution a eu lieu le 13 janvier 1948, dans la cour d’honneur du Castelet de la prison Saint-Michel. Deux condamnés à mort ont été guillotinés. Mais au temps des Capitouls, magistrats qui dirigeaient la ville du Moyen-Âge à la Révolution française, cette sentence était régulièrement infligée aux criminels. A différents endroits de la ville, selon les périodes, étaient disséminés des échafauds et des piloris pour exécuter et exposer les condamnés. Pour cela, plusieurs méthodes : la décollation (tête tranchée), réservée à la noblesse, la pendaison, ou le bûcher, traditionnellement destiné aux auteurs d’infanticides, au cas de sorcellerie, aux hérétiques, et dont a été victime le protestant Jean Calas en 1762 après avoir été roué.
Qu’il s’agisse d’une guillotine, d’une potence ou d’un amas de bois à brûler, les dispositifs d’exécution étaient tous disposés au même endroit. « A Toulouse, cela devait être Rue des Bûchers évidemment ! » déduit Estelle, sûre d’elle. Mais cette étudiante en histoire de l’art à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, d’une logique toponymique implacable, fait fausse route. En effet, contrairement à ce que le nom de cette rue pourrait laisser penser, aucune exécution n’y aurait eu lieu. Ainsi, personne n’a donc été brulé, ou plus généralement exécuté, rue des Bûchers.
Les condamnés à mort étaient en réalité conduits place Arnaud-Bernard, ou plus régulièrement place du Salin, pour y subir leur châtiment, selon les Archives municipales de la ville. Ce site avait été choisi pour sa proximité avec le Parlement de Toulouse, situé en lieu et place de l’actuel Palais de justice. Ses jugements sont venus s’ajouter aux sentences capitulaires à partir de 1443. Puis, à partir du XVIe siècle, le site privilégié pour les exécutions capitales a été déplacé place Saint-Georges, pour ne plus que les juges croisent le dernier regard de ceux qu’ils avaient condamnés, comme le précise un ouvrage intitulé “Mémoires de l’Académie impériale des sciences, Inscriptions et belles-lettres de Toulouse” (Tome VI), et dans lequel Victor Molinier, professeur à la Faculté de droit, lit une notice historique sur les fourches patibulaires (lieu d’exposition des dépouilles) de la ville de Toulouse. Dans celle-ci, il évoque le témoignage de Bernard de La Roche-Flavin, l’un des magistrats du Parlement de Toulouse : « Le 15 octobre 1523, l’échaffaut et pilori à exécuter à mort estoit à la place du Salin de Toulouse, lesquel fut abattu et transféré à la place Saint-georges, pour, en son lieu, dresser et faire venir une fontaine, ce qui n’a esté fait : mais l’occasion principale en fut afin que les sieurs de la Cour, entrant et sortant du palais, ne visent l’exécution de ceux qu’ils avaient condamnés le même jour ».
Ainsi donc, à Toulouse, la rue des Bûchers, anciennement rue de la Ruque, n’aurait pas été nommée ainsi pour avoir été le théâtre de multiples mises à mort. Mais à quoi doit-elle cette désignation, qui remonte au XVIIIe siècle, selon les Archives municipales de Toulouse ? D’après les documentalistes de la ville, « l’actuelle rue des Bûchers tire son nom du bois de pagelle (bois de chauffe) ou à bâtir (d’œuvre) amené par radeaux ou par flottage sur la Garonne, au Port-Garaud (entre les quais de Tounis et le pont Saint-Michel, NDLR) ». Une fois les cargaisons de bois déchargées, elles étaient mesurées puis livrées aux quatre coins de Toulouse. Et pour stocker le bois, en attente de livraison, les marchands érigent des “bûchers” (tas de bois bien rangé), surveillés par des gardes. Les charretiers revenaient inlassablement aux bûchers pour charger le bois et honorer les commandes. Et c’est notamment par la rue des bûchers qu’ils repartaient vers la ville.
En revanche, l’Histoire ne dit pas si le bois qui arrivait à Toulouse par le Port-Garaud servait, ou non, à alimenter les bûchers des condamnés…
Commentaires
Danielle LAGUILLON HENTATI le 22/02/2025 à 07:19
Bonjour, dans le cadre de l'écriture d'un livre sur les déportations de Tunisie, je m'intéresse notamment à Pierre MARTY et sa brigade, constituée d'abord en Tunisie avec François FIRPI. Pierre Marty a été exécuté (fusillé d'après certaines sources) le 12 juillet 1949 à Toulouse, ainsi que 2 de ses inspecteurs. L'un est Jean GRINCOURT, et l'autre ? Sauriez-vous me dire qui était le 3ème ?
Je vous en remercie d'avance.
Cordialement,
Danielle LAGUILLON HENTATI
Professeur honoraire du Lycée Pierre Mendès-France de Tunis
Chercheur et auteur
Chevalier des Palmes académiques
Membre honoraire de l’Association Convoi 77
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Sylvain LARUE le 22/02/2025 à 22:12
Bonsoir,
Le troisième fusillé s'appelait Paul Bergé (ou Berger), âgé d'environ 26 ans, membre du P.P.F.