Reporter et sauveteur en mer, le photographe toulousain Anthony Jean met son appareil au service de grandes causes qui lui tiennent à cœur. Entre deux séjours à bord de l’Ocean viking, le navire de SOS Méditerranée, il renvient avec nous sur une année houleuse qu’il place sous le sceau de l’espoir.
Anthony Jean est un reporter-photographe toulousain. Appareil à la main, il a longtemps parcouru le monde, parfois dans des zones de conflit, à la recherche de l’image qui « fait changer ». Ce goût du voyage, il l’a développé très tôt, en sillonnant le globe à vélo. Sur les routes, il affûte son regard et acquiert de l’expérience comme photographe professionnel. Du Sahara occidental à la Palestine en passant par la Grèce, il saisit les drames de son époque. Son objectif se pose également sur des visages et des paysages qui nous rappellent, à chaque instant, que l’humanité est aussi fragile qu’irréductible.
Puis, un jour, il embarque sur l’Aquarius pour réaliser un reportage sur les migrants qui risquent leur vie pour rejoindre nos côtes et les sauveteurs en mer qui leur tendent la main, au milieu de la méditerranée. C’est un choc. Une révélation. Anthony Jean intègre alors l’association SOS Méditerranée et devient sauveteur-en-mer-photographe, aujourd’hui à bord de l’Ocean viking. Les migrants et leurs embarcations de fortune deviennent alors, pour lui, un “sujet long”.
Anthony Jean, pourriez-vous résumer votre année en un mot ?
Espoir. Parce que j’ai continué à partir en missions avec SOS Méditerranée, pour essayer de sauver le plus de personnes en mer possible. Je vois aussi une société civile qui se mobilise et lutter pour défendre une culture qui est étouffée et qui ”saigne des dents”. Malgré tout ce qu’il se passe il y a quand même de la mobilisation et c’est le plus important.
L’actualité qui vous a le plus marqué cette année, hors Covid ?
Pour rester dans mon domaine, je dirais la détermination et la faculté de résilience de SOS Méditerranée qui a réussi a affréter un bateau pour patrouiller en mer et sauver des vies, malgré toutes les entraves qui sont mises en place par l’Europe. Aujourd’hui, l’Ocean Viking est l’un des seuls navire de sauvetage actif en mer. Je trouve cela exceptionnel.
La disparition qui vous a le plus touché ?
Jean-Pierre Bacri. C’était un acteur de cinéma populaire, d’une génération qui manque aujourd’hui. Il faisait partie de ces comédiens qui sortent du théâtre pour tourner au cinéma et qui ont ce ”parler facile”. Je trouve que des personnalités comme lui font défaut dans un cinéma qui est, aujourd’hui, beaucoup plus formaté.
Qu’est ce qui vous fait peur pour l’avenir ?
L’uniformisation et la mise à mort de la réflexion. Je suis aussi inquiet de la raréfaction des gens qui sont capables de réfléchir par eux-mêmes, de s’interroger et de parler librement.
Qu’est ce qui vous rend optimiste ?
Ce qui me rend optimiste c’est que, malgré tout, des gens trouvent la force de se réinventer. Les gens sont capables de trouver des solutions et de s’adapter en permanence, alors même que nos libertés disparaissent les unes après les autres. Il est fondamental maintenir la culture et d’arriver à la propager par tous les moyens possibles, physiques ou numériques.
La bonne habitude que vous avez prise cette année ?
Aller chercher, au niveau local, de nouveaux moyens d’obtenir ce dont j’ai besoin. De la même manière, j’essaie de favoriser les commerces de proximité. Finalement, on se rend compte qu’il y a tout ce qu’on veut juste à côté de chez nous.
L’homme ou la femme de l’année ?
Ma femme.
La chanson que vous avez le plus écouté cette année ?
« Funkier than a mosquito’s », de Nina Simone.
Le livre qui vous a le plus marqué ?
Le “Discours de la servitude volontaire”, d’Étienne de La Boétie.
Et le meilleur film de l’année ?
Le film n’est pas de cette année mais c’est ma plus belle découverte depuis longtemps. “Cloud Atlas”, produit et réalisé par les Wachowski (les sœurs transgenre réalisatrices de Matrix, NDLR) et Tom Tykwer, sorti en 2012. C’est une histoire qui se déroule sur plus de 5 siècles avec des acteurs qui doivent jouer jusqu’à six rôles différents… une merveille !
La blague qui vous a fait marrer cette année ?
Deux planètes se croisent.
– Tiens salut toi! Ça roule ?
– Mmm ca va pas trop en ce moment. Je crois que j’ai chopé une humanoïte.
– Oh ne t’inquiète pas. Ça va passer…
Qu’est ce que l’on peut vous souhaiter pour l’avenir ?
De continuer à partir couvrir des sujets et, grâce à la photographie, de dénoncer les injustices de ce monde. Et, surtout, de pouvoir exposer mes travaux. Je crois profondément à la capacité des images à véhiculer des idées. J’aimerai, si je le peux, produire des photos qui changent le cours de l’histoire.
Pour suivre le travail de Anthony Jean, vous pouvez vous rendre sur sa page Facebook ou sur son profil Instagram.
C.H. et N.B.
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