Christian Caujolle, fraîchement nommé conseiller artistique du Château d’eau, à Toulouse, entrera en fonction le 1er janvier prochain. Journaliste et fondateur de l’agence Vu, celui-ci reviens sur son parcours et partage avec nous sa vision de la photographie comme du projet qu’il souhaite développer au sein de ce lieu d’exposition emblématique.
Cartier-Bresson, Diane Arbus, Man Ray, Brassaï ou Nan Goldin… Converser avec Christian Caujolle vous entraîne presque irrémédiablement à arpenter la grande histoire des faiseurs de clichés. Au fil des mots, jonglant entre les époques et sautant d’un continent à l’autre, celui qui fut rédacteur en chef chargé de la photographie à Libération et fondateur de l’agence Vu, révèle les larges horizons du monde tel qu’il a été saisi sur la pellicule. Un regard panoramique et passionné que cet Ariégeois de naissance espère partager, au travers des futures expositions du Château d’eau, l’emblématique galerie toulousaine dont il vient d’être nommé conseiller artistique.
Il y a, dans la vie, des rencontres décisives. Et pour Christian Caujolle, celle qui a influencé le cours de son existence s’est jouée à Toulouse, pendant ses études de Lettres. En guise d’exercice, un professeur lui donne la consigne de rédiger un portrait de Yan, un photographe plus connu sous son véritable nom : Jean Dieuzaide. « Ce fut une surprise totale. Je ne connaissais rien à la photographie. Et pour la première fois, je découvrais, accrochés au mur de sa maison, des clichés qui n’étaient pas des portraits de famille », se rappelle-t-il. En plus de l’amitié de l’artiste, le jeune homme gagne un goût pour l’image qui ira en s’affirmant au fil des ans. Il fréquente le Château d’eau qui vient juste d’ouvrir ses portes puis, alors qu’il est Normalien à Paris, les grands noms de la photo du moment.
L’étudiant devient ensuite journaliste, au sein de la rédaction de Libération. À Partir de 1978, il y rédige des articles culturels et des chroniques littéraires. Puis, « parce que personne ne voulait le faire », on lui confie la tâche d’écrire sur la photographie. À ce titre, il couvre les Rencontres de la photographie d’Arles où il croise régulièrement Jean Dieuzaide. À partir de là, le film se déroule sans anicroche. En 1981, il est promu rédacteur en chef chargé de la photographie au sein du journal. En 1986, il cofonde l’agence de photographes Vu puis, en 1997, se voit confier le rôle de directeur artistique des Rencontres d’Arles.
Prendre aujourd’hui la tête du projet artistique du Château revêt donc, pour Christian Caujolle, des airs de retour aux sources. « Cette nomination me fait très plaisir et, en même temps, un peu peur. Il y a sans doute une certaine nostalgie à retrouver mes années de jeunesse », confesse-t-il. Mais pas question de se laisser gagner par le mal du passé. Le regard que souhaite transmettre le futur programmateur est résolument tourné vers le présent : « Je souhaite montrer en priorité les gens qui créent à l’heure actuelle. »
Donner un panorama le plus large possible de la production contemporaine, donc, mais en conservant une certaine profondeur de champs. « Je voudrais transmettre l’idée que la photographie s’inscrit dans une histoire. Il ne faut pas oublier que ce lieu a rayonné au-delà de Toulouse et qu’il a compté dans l’histoire de la photographie en France. C’est un héritage qu’il faut préserver sans, toutefois, perdre de vue que nous sommes en 2021. Par exemple, en exposant l’œuvre d’un photographe historique, mais dont les images prennent un sens nouveau dans le contexte actuel, ou en proposant des artistes émergeant », défend le conseiller artistique. Une gageure qui se traduira par trois grandes expositions annuelles.
Que ce soit du documentaire, de la fiction ou des propositions dont l’intérêt réside dans la dimension plastique des images, Christian Caujolle ambitionne avant tout d’inciter le spectateur à s’interroger. « J’aimerais qu’il sorte des expositions en ayant été touché et avec le sentiment d’avoir découvert quelques chose. Les photographies qui m’intéressent et que je veux partager, sont celles qui me surprennent et que je serais incapable de prendre. Je suis convaincu que, malgré sa subjectivité, ce mode d’expression est un excellent outil d’exploration du monde », assure-t-il. Car, pour lui, la photographie parle autant du réel, que d’elle-même et de son auteur.
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