My dinner with Andre de la compagnie Tg STAN jusqu’au 25 octobre au Théâtre Garonne.
Par Mathieu Méric
L’atrabilaire qui rédige cet article connaissait, jusqu’au week-end dernier, du réalisateur de cinéma français Louis Malle seulement Ascenseur pour l’échafaud, hommage au film noir datant de 1958 et Le Feu Follet de 1963, oeuvre nihiliste adapté du roman éponyme de Drieu de la Rochelle où nous suivons un jeune homme de bonne famille, ne supportant plus les faux-semblants, codes et rites bourgeois, dans sa lente agonie vers le suicide. Les deux seules comètes de l’astre Malle que je connaissais révélait un homme captivant et désespéré.
Sceptique, ensorcelant, My dinner with Andre, un de ses derniers films, l’est sans conteste. L’action se passe en Amérique où Malle a migré et s’est construit une deuxième vie. Deux hommes de théâtre se retrouvent dans un élégant restaurant new-yorkais après s’être perdus de vue des années. De ces retrouvailles naît un dialogue sur le théâtre, l’acteur, le metteur en scène, leur place dans la société. Plus profondément, au fil du texte, des réflexions sur ce qui hante l’existence d’André et Wally, les deux protagonistes de ce repas aux saveurs philosophiques, affleurent puis germent et font cet instant un temps résolument rabelaisien consacré aux victuailles et à la méditation. C’est cette oeuvre que les compagnies de théâtres flamandes Tg Stan (compagnie associée au Théâtre Garonne) et De Koe ont adaptée au théâtre en 2005 sans toutefois toucher au texte. Octobre 2014 voit donc la reprise de ce spectacle à Toulouse et ce jusqu’au 25 du mois.
Il y a André, interprété par Peter Van Den Eede, quintessence du metteur en scène narcissique, énervant, ayant tout vu, tout fait. Lourdement, il évoque une expérience mystique en Pologne avec son “ami” le théoricien et metteur en scène Jerzy Grotowski, pour ensuite déballer son mal être permanent, son obsession des camps de concentration, enfin la haine de soi qu’il porte en lui. Tourmenté, complexe, à la fois très sûr de lui et désemparé André est aux prises avec sa conscience qu’il juge coupable, prisonnier de son monde intérieur. Au contraire de Wally, joué par Damiaan De Shrijver, incarnant la bonhommie sur terre et possédant une morale bien plus pragmatique que son acolyte. Cependant, Wally est traversé de doutes, de colères rentrées, de petites humiliations quotidiennes d’un auteur dramatique peu joué qui rendent le personnage très attachant dans sa sagesse gouailleuse mais qui reste angoissée. La réunion de ces deux solitudes autour d’une table nous offre durant 3h30 un numéro de clowns recherchant la vérité entre l’Himalaya et le bureau de tabac le plus proche. Servis par des acteurs brillants, dans un dispositif simple et pourtant statique, les deux hommes restent à table toute la durée du spectacle, My dinner with Andre avec ces deux astres-bouffons font des détours, des contre-sens, des pitreries pour nous parler de la grandeur et la misère du théâtre, c’est à dire de la vie. Captivant et désespéré.
La rédaction
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