EXPOSITIONS – Du 27 août au 11 septembre, Perpignan accueille l’unique festival de photojournalisme au monde. En quelques années, Visa pour l’image est devenu à la fois un rendez-vous professionnel incontournable tout en réussissant à attirer le grand public.
Par Delphine Tayac
Vous souhaitez apprendre à recadrer une photo, l’améliorer sur Photoshop ? Passez votre chemin ! À Visa pour l’image, l’on aiguise sa sensibilité plutôt que sa technique. Chaque année, le festival met en lumière un condensé de l’actualité de l’année à travers le travail des photojournalistes de la planète. Leur point commun : témoigner au plus près du terrain sur des sujets « difficiles » concède d’emblée Jean-François Leroy, le directeur du festival.
Parmi les 22 expositions programmées cette année, trois sont consacrées aux migrants. La thématique s’est imposée d’elle-même. « C’est le sujet le plus sensible, le plus touchant humainement et géopolitiquement », explique Jean-François Leroy.
L’objectif de Visa pour l’image c’est aussi de mettre en lumière des sujets peu relayés dans les médias grand public. « Chaque année, je m’inflige une punition. Je regarde plusieurs journaux télévisés. Le chassé-croisé des juilletistes et des aoûtiens, les bouchons au Perthus… Ce n’est pas de l’information », lance le directeur du festival.
Pour lui, les photojournalistes sont là pour apporter un regard singulier et témoigner du monde tel qu’il est. « Il nous semble par exemple intéressant de montrer comment les Brésiliens vivent à quelques kilomètres des Jeux olympiques de Rio et ne profiteront d’aucune retombée.» Le Brésil vu par Visa pour l’image c’est donc moins des clichés d’athlètes musclés que les visages des habitants du “Copacabana palace”, un immeuble insalubre où Peter Bauza a partagé le quotidien des 300 familles. Ou encore une série de Felipe Dana sur les premières familles touchées par le virus Zika dans le Nordeste.
« Nous mettons en avant des photographes qui travaillent leur sujet »
Pour Jean-François Leroy et son équipe, prendre le temps de construire un sujet est aussi l’ADN du photojournalisme. « Nous mettons en avant des photographes qui travaillent leur sujet », poursuit-il. Parmi les reporters exposés, Frédéric Noy s’est immiscé pendant quatre ans dans le quotidien des homosexuels et transgenres en Afrique. Véritables parias, ils sont considérés comme des “ekifire”, c’est-à-dire des demi-morts en langues bantoues. Treize ans, c’est aussi le temps qu’a consacré Valerio Bispuri à documenter les ravages de Paco, la cocaïne du pauvre en Amérique du Sud.
L’an dernier, plus de 220 000 personnes se sont rendues au festival. Signe que des sujets difficiles ne font pas nécessairement fuir le public. « Il ne vient pas uniquement parce que c’est gratuit mais parce qu’il sait qu’il va être confronté à des histoires », analyse Jean-François Leroy. Mais aussi à la réalité du métier. Pour comprendre les coulisses de la fabrication de l’information, des conférences et des rencontres avec les photographes permettent au public de discuter avec des professionnels. « Écouter Aris Messinis, raconter la façon dont il travaille au jour le jour pour documenter l’arrivée des migrants sur l’île de Lesbos, c’est juste passionnant », s’enthousiasme Jean-François Leroy. S’il avoue ne pas croire « en la capacité de la photographie à changer le monde », il espère au moins « qu’un ou deux spectateurs seront repartis avec une autre façon de le voir.»
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