SEPTIÈME ART – La cinémathèque de Toulouse reçoit le public rue du Taur. Mais la partie immergée de l’iceberg, là où les bobines de film sont triées, nettoyées et souvent numérisées, est ailleurs : au Centre de conservation et de recherche de Balma. L’une des trois principales archives cinématographiques françaises. Charline Poullain
© Franck AlixDès l’entrée du Centre de conservation et de recherche de Balma, le décor est planté : des piles de bobines de film s’élèvent à côté d’antiques projecteurs. Dans l’air, une odeur acide, révélatrice d’une pellicule en train de mal tourner, de s’altérer. Il s’agit du legs d’un collectionneur à la cinémathèque de Toulouse. Sur les boîtes métalliques rouillées, des noms sont visibles : Les pieds nickelés, Les Fourberies de Scapin, Rabbi Jacob…
Une fois qu’ils auront été triés, nettoyés et archivés, ces films auront droit à une nouvelle vie dans ce que l’équipe appelle ses “magasins” : des pièces remplies d’étagères de DVD, cassettes VHS et bobines. Tout y est classé et conservé à température constante (16°C), avec un taux d’humidité régulé et un système anti-incendie.
Au détour d’un rayonnage apparaissent les treize bobines d’Autant en emporte le vent. « Ça doit bien faire 40 kg », sourit Francesca Bozzano, directrice adjointe des collections.
La cinémathèque de Toulouse détient près de 48 000 copies de courts et longs métrages, complets ou non, donnés par des laboratoires, des distributeurs, des réalisateurs, des producteurs et des collectionneurs.
À leur arrivée, les œuvres passent entre les mains du service film. À commencer par celles, gantées de blanc, de François Marty. Le documentaliste laisse filer la pellicule entre ses doigts pour sentir les imperfections et éventuelles déchirures. Soit un bout de ruban adhésif fera l’affaire, soit le défaut restera.
Puis les sons et les images sont analysés sur une table de visionnement pour repérer rayures, taches d’huile venant des projecteurs, traces et poussières… L’essentiel disparaîtra à la prochaine étape, quand le film prendra un petit bain de jouvence chimique dans du perchloroéthylène. Une imposante machine permet même trois bains différents. « En noir et blanc, on récupère des choses incroyables! », assure François Marty.
Le tout est consigné, archivé dans la base de données. Pour une utilisation interne à la cinémathèque, lors de rétrospectives sur une thématique, ou externe. « Une télé peut demander des extraits de films », explique Dominique Auzel, le conservateur. Ce pourrait bien être le cas de ces 17 petites boîtes qui viennent d’arriver : des films amateurs en super 8 tournés au Cambodge dans les années 1950.
Au bout du couloir, un autre univers s’ouvre : ici, la pellicule est convertie au format numérique. « Aujourd’hui, le cinéma franchit un cap important de son histoire », lance, pince-sans-rire, Victor Jouanneau, technicien-documentaliste. Et d’indiquer un nouveau logiciel qui permet des miracles : sur une partie de l’écran, le film est saccadé, rayé. Sur l’autre, « on gagne en stabilité. On est aussi intervenu sur le “pompage”, pour rendre l’image plus lumineuse, plus uniforme ». Mais l’opérateur entend bien veiller à ce que l’œuvre ne soit pas pour autant aseptisée, dénaturée. « On s’interroge sur les éléments du film à laisser », souligne Dominique Auzel. Pour des restaurations plus importantes, il est fait appel à des laboratoires ou au Centre national du cinéma.
Dernière partie du centre de Balma : le service iconographique qui s’occupe de 85 000 affiches, de 500 000 photos, de 2 500 scénarios, des livres et des périodiques (archivés dans la très belle bibliothèque du Taur), de bibelots, de partitions de musiques de films… « On prend tout ce que l’on nous donne parce que l’on estime que tout critère de sélection ne tient pas compte du temps », explique Francesca Bozzano. Ce qui peut sembler sans intérêt aujourd’hui, peut s’avérer demain révélateur d’une époque, d’une pensée.
Les affiches, elles, sont rangées à plat ou roulées en tube. « Elles sont triées, numérisées et reconditionnées », précisent deux documentalistes, capables de reconnaître l’époque de création d’un dessin et son auteur. Des modèles uniques ont été peints par des affichistes pour la devanture de cinémas. Comme celles retrouvées à la fermeture du Royal de Toulouse, par un certain Raymond Borde, le fondateur de la cinémathèque, en 1964. Le centre de Balma, lui, date de 2004 mais déjà la place manque. D’où un projet d’agrandissement dans le parc attenant.
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