PAN-PAN.C’est une artère minuscule, perpendiculaire à la rue Saint-Rome qui héberge cette façade bien mystérieuse. Située entre le 12 et le 14 de la rue Tripière, la demeure à pans de bois du XVe siècle arbore sur sa devanture deux rongeurs à grandes oreilles et une étrange construction de bois.
Gabriel Haurillon
L’ambiance de la voie tranche avec l’animation de la rue adjacente. Son étroitesse laisse peu de place à la flânerie et les Toulousains y passent sans lever la tête. Camille, animatrice, marche à pas rapides et hausse un instant les yeux: « Tiens, c’est drôle ces deux lapins, je ne les avais jamais remarqués. Ça me fait penser à celui d'” Alice aux pays des merveilles “, toujours en retard. Peut-être est-ce là pour nous inciter à prendre le temps », sourit-elle.
Une flopée de collégiens débouche bruyamment et s’arrête devant la façade, intrigués : « Tu as vu, il y a des lapins ! Ça devait être une boucherie », décrypte Léon à un camarade. La rue tripière porte ce nom car elle hébergeait au Moyen-Âge les bouchers et tripiers de la ville. Les adolescents remarquent vite l’inscription “Musée des compagnons” et Léon renonce à son interprétation.
« Par contre, je ne comprends pas le sigle sur le truc en bois. Paix, ça va, mais UVGT… Umanité vigile grand Toulousain ? », tente Pierre, hilare. L’inscription se trouve sur un balcon de bois appelé guitarde, et construit en 1923. Cette œuvre tortueuse regroupe toutes les difficultés du métier de charpentier. Pour terminer sa formation dans la confrérie, il faut réaliser ce type de projet, purement technique et ornemental. Les lettres UVGT signifient “Union, vertu, génie et travail”, les valeurs des compagnons du devoir. Cette maison a abrité leur centre de formation entre la fin du XIXe siècle et la fin des années 1970.
Revenons à nos lapins. Les compagnons se forment à divers métiers manuels durant plusieurs années. Chez les charpentiers, les apprentis sont surnommés “lapins”. Un sobriquet affectueux ? Pas vraiment. Le lapin est un outil qui permet au charpentier de tenir son fil à tracer lorsqu’il travaille seul. Il remplace cet outil par un apprenti quand il en a un sous la main.
« Le lapin a aussi de grandes oreilles, c’est utile pour bien écouter les professeurs. L’autre qualité liée à cet animal, c’est qu’il court vite. Quand un compagnon plus ancien a besoin d’un outil, il faut être vif pour le lui apporter », explique Dominique Doucet, responsable du musée des compagnons. Si cet ordre remonterait à l’antiquité, ces deux rongeurs n’ont envahi la façade qu’en 1970. De jeunes compagnons les ont sculptés à la chaux pendant que le patron avait le dos tourné. Ils ont depuis été laissés là, sans que les autorités n’y trouvent à redire.
La rédaction
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