On affilie souvent le mobilier urbain odorant couronné d’un couvercle à la dynastie Poubelle. Du nom de leur inventeur, Eugène Poubelle, préfet de Paris. Pourtant, Toulouse a aussi participé à la grande histoire des déchets. – Gabriel Haurillon
À l’aube, la rue Pargaminières est déserte. Un noctambule bouscule un bac de plastique gris et manque de tomber. L’homme disparaît et laisse place au ronflement irrégulier d’un camion poubelle. Les bacs pleins se vident et leurs couvercles verts se rabattent dès qu’ils retouchent au sol : « Heureusement, ce serait pénible de remettre les couvercles à chaque fois », lâche un des agents avant de reprendre sa tournée.
Non loin de là, sur les terrasses de la Daurade, un mot sort de sa retraite et concentre les discussions matinales : « Bédoucette ? Allez chérie, sors ta bédoucette, on part à la mer ! C’est une petite valise non ? », tente Sylvain en garant son scooter. Ghislaine est un peu plus âgée, et l’expression lui dit quelque chose : « Sortir la bédoucette ! Oui oui, j’entendais ma grand-mère le dire mais je ne sais plus à quel propos. Le rapport avec nos couvercles de bac à ordure ? Bein, la bédoucette, c’est une poubelle », indique Jeanne, avant d’être emportée par la laisse de son chien.
La bédoucette est en effet une révolution toulousaine. Elle porte le nom d’Albert Bédouce, maire de la ville en 1906, puis député et ministre. À l’époque, la poubelle existe déjà. Rendue obligatoire dans le département de la Seine par le préfet Eugène Poubelle dès le 24 novembre 1883. Il faut attendre 1929 pour que cet outil ne le devienne à Toulouse. La poubelle utilisée jusqu’alors à Paris est un cylindre métallique, affublé d’un couvercle indépendant. Résultat : le couvre-chef se retrouve régulièrement au sol, cabossé ou volé, et les animaux errants peuvent se servir facilement. Albert Bédouce a donc l’idée géniale de solidariser le couvercle au réceptacle à l’aide de deux montants articulés. La bédoucette est née.
Le terme se substitue longtemps pour les Toulousains à celui de “poubelle” : « Ce mot est aujourd’hui complètement désuet, son usage a pris fin dans les années 1970 », explique Rémy Pech, professeur d’histoire contemporaine. Alors, roi des ordures monsieur Bédouce ? Il faut rendre à Poubelle ce qui est à Eugène. Si ce dernier n’a pas amélioré l’objet, il a mis au point le système de traitement des déchets ménagers qui sera généralisé en France et dans le monde. En revanche, la poubelle doit beaucoup à la Ville rose. Encore avant la bédoucette, Henri Ebelot avait, lui, imposé son ébelotière dans la région. Maire de Toulouse entre 1871 et 1876, il avait conçu cette caisse en bois munie d’une anse, pour récolter, déjà, les ordures des Toulousains.
La rédaction
Le Journal toulousain est un média de solutions hebdomadaire régional, édité par la Scop News Medias 3.1 qui, à travers un dossier, développe les actualités et initiatives dans la région toulousaine. Il est le premier hebdomadaire à s'être lancé dans le journalisme de solutions en mars 2017.
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