Des « un euro » sur les murs, les toits, les boîtes aux lettres, partout. Un « crew » de graffeurs fait passer son message sur les briques toulousaines. Rencontre.
Ils fleurissent sur tous les murs gris de la Ville rose, et pas seulement. « 1€ », « 1E », « 1 euro » … Là où, d’ordinaire, on retrouve des tags de pseudo d’artistes ou des graffitis, eux peignent une somme dans différents styles. « Un euro, au hasard. On se balade avec des bières, on met des coups de pied dans les portes et si ça s’ouvre, on rentre et on graffe. » Navyr est l’un des auteurs de ces oeuvres, il les décrit d’une voix calme et rieuse. Rien n’est réfléchi, ni le quartier, ni le support, ni même peut-être la couleur. L’idée est de prendre sa place.
Si Navyr graffe aussi son pseudo, ce sont ses « un euro » qui véhiculent un message. « Maintenant, les gars ils vont sur des murs autorisés avec 50 balles de bombes et moi, à côté, je suis là avec mes deux bombes volées à Midica », illustre-t-il. « Nous, on déteste le street art, on vient tout dégueulasser et vous le voyez, c’est pas joli ce qu’on fait. Nous on fait pas ça pour vendre, d’ailleurs on vend tellement pas qu’on y perd même. »
Depuis que j'ai emménagé à Toulouse en septembre, je croise beaucoup beaucoup de tags "1€", partout dans la ville. J'ai décidé de les prendre en photo. C'est assez mouvant, certains se font effacer, d'autres apparaissent. Il y en a plus dans certains quartiers que dans d'autres.
— Pom (@bibiletetef) April 25, 2021
Navyr se dit appartenir au « dernier bastion du hip-hop ». Il entend bien porter les valeurs qui sont nées dans la rue avec le graffiti et pour ça, le « crew » est une force, une « petite famille ». Il est tombé dans la peinture en 2014, mais ce n’est que cinq ans après qu’il va rejoindre 1€, un groupe monté par une autre graffeur. « Je faisais ça avec Skrrrt, c’est lui qui a commencé avec un de ses potes et je les ai rejoints. C’est important d’être dans un crew pour moi, ça m’intéresse pas de faire ça seul. C’est un peu comme picoler, c’est nul sans personne. »
C’est un vrai combat pour lequel le jeune homme de 23 ans y a laissé beaucoup. « J’arrête toutes les trois semaines, c’est pire qu’une drogue. » Mais il reprend toujours. Navyr confie avoir déjà été condamné à cause de son activité. Il a passé quatre mois en détention et se remémore difficilement son séjour à la prison de Seysses. « Je comprends pourquoi les détenus récidivent à leur sortie. C’est ça qui m’a fait m’y remettre malgré la peur. D’ailleurs, j’ai toujours eu peur. » Paradoxalement, il se confie sur un ton calme et léger, mais la voix nouée. « Moi j’ai toujours fait des trains et des toits, les toits, ça fait chier personne. » Navyr cherche constamment de nouvelles façons de graffer, de nouveaux lieux, de plus grandes surfaces.
Aujourd’hui, la capitale aussi peut se targuer d’avoir ses « un euro ». Skrrrt, son « frère », est parti pour la grande ville où il n’oublie pas l’essentiel. A Paris, comme à Toulouse, ils se font entendre : « en fait, on est pas à vendre, c’est un peu ça le message ».
Aurélie Rodrigo
Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse
Cet article a été écrit par des élèves de l'Institut Supérieur de Journalisme de Toulouse dans le cadre d'un partenariat avec le Journal Toulousain.
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