Alors qu’elle est toujours sous la menace de plans sociaux, l’Occitanie a perdu 52 000 emplois nets en six mois. Une chute brutale qui touche, pour le moment, les emplois les plus précaires.
L’Occitanie a perdu 52 000 emplois en six mois © DR« Je n’avais jamais vu ça », réagit Lionel Doisneau, responsable des études économiques à l’Insee Occitanie. Plus brutale et soudaine que celles de 1993 ou 2008, la crise économique et sanitaire que traverse la France impacte très fortement l’emploi. Le taux de chômage pourrait repasser la barre de 10 % dans les mois à venir. Une situation à laquelle n’échappe pas l’Occitanie qui a déjà perdu 52 000 emplois nets depuis le début de l’année.
Au deuxième trimestre 2020, l’Occitanie a perdu 15 000 emplois nets. Dans un contexte de crise prolongée, l’emploi salarié sur la région a reculé de 0,7 % entre avril et juin. Une baisse légèrement moins forte qu’au premier trimestre (1,8 %), et amortie par le recours à l’intérim. Si l’on ajoute les 37 000 emplois supprimés au premier trimestre, l’Occitanie a donc perdu 52 000 emplois (sur près de 2 millions) depuis le 1er janvier 2020, soit une diminution totale de 2,6 % en six mois (2,8 % au niveau national). Presque autant que le nombre d’emplois créés au cours des deux dernières années.
Un recul de l’emploi salarié qui, selon l’Insee Occitanie, est essentiellement dû à la fin de contrats non renouvelés et à un effondrement des recrutements (-39 % de promesses d’embauche par rapport au premier trimestre), plus qu’à de véritables licenciements. « Ce sont d’abord les plus précaires, les intérimaires et les salariés en CDD, qui subissent la crise. Au premier semestre, lors du confinement, l’Occitanie a connu un arrêt brutal du recours à l’intérim avec 20 000 emplois supprimés. La reprise de l’activité a permis d’en relancer 10 000. Ce redressement n’a toutefois pas été suffisant pour combler le déficit et revenir au niveau antérieur », commente Lionel Doisneau.
Pour les secteurs ayant recours à une main-d’œuvre plus qualifiée, comme l’aéronautique, l’impact est légèrement différé. « C’est maintenant que ça se joue et que se négocient les plans de sauvegarde de l’emploi. Il est évident que si les contraintes sanitaires se prolongent et que le trafic aérien ne retrouve pas son niveau antérieur, il y aura des conséquences sur l’industrie aéronautique. Et des craintes à avoir sur l’avenir économique de la région », anticipe l’expert. D’autant plus qu’un certain nombre d’entreprises profitent encore de mesures d’aides de l’État. En plein cœur du confinement, au mois d’avril, 40% salariés du privé de la région bénéficiaient du dispositif de chômage partiel. Un chiffre qui était retombé à 10 % au mois de juin.
Pourtant, en Occitanie comme dans le reste du pays, le taux de chômage a baissé de 0,7 point pour s’établir à 8,4 % contre 9,1 % en début d’année. Un paradoxe que Lionel Doisneau explique par un effet en trompe l’œil. « C’est dû à la définition du chômeur qui n’est pas la même que celle du demandeur d’emploi. Pour être comptabilisé comme chômeur, il faut réunir deux conditions : ne pas avoir d’emploi et faire une démarche de recherche active. Ce que n’ont pas pu faire les gens pendant le confinement. » L’Occitanie dénombre donc, en fait, 395 000 actifs inscrits à Pôle emploi, soit 11 % de plus sur un an. Selon Lionel Doisneau, le taux de chômage devrait connaître un effet de rattrapage et remonter très fortement (au moins deux points) pour franchir, au niveau national, la barre symbolique des 10 %.
Avec 9 300 emplois supprimés (hors intérim), soit une baisse de 10,8% par rapport au trimestre précédent, le secteur de la restauration et de l’hébergement est le plus durement touché. « Les chiffres de juillet et août montrent une bonne reprise du secteur du tourisme et, surtout, de la restauration. Mais si les contraintes sanitaires se maintiennent ou se durcissent, nous risquons de connaître une baisse durable de l’activité », s’inquiète Lionel Doisneau.
En valeur absolue, ce sont les services marchands qui paient le plus lourd tribut avec 20 300 emplois supprimés en trois mois. L’emploi industriel, lui, continue sa baisse entamée en début d’année. Même si celle-ci est relativement contenue, ce secteur déplore 1 500 emplois en moins, soit un recul de 0,7 %, par rapport au premier trimestre. De son côté, la filière agroalimentaire limite également les dégâts avec seulement 500 emplois perdus (- 1,2 %) et la construction, qui a eu massivement recours au travail intérimaire, a même inversé la tendance avec une hausse du nombre d’emplois de 0,1 %.
Par ailleurs, l’Insee note une augmentation des créations d’entreprises par rapport à l’année précédente. Certainement un « effet de rattrapage » des mois de confinements où très peu de ce type de démarches avait été enregistré.
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