Adaptation. Depuis la fin des années 1990 et la démocratisation d’internet, le numérique a envahi notre quotidien et même bouleversé la donne économique. Nouvelles opportunités, mais aussi nouvelles difficultés que le monde de l’entreprise a encore du mal à appréhender.
Après la révolution industrielle, place à la révolution numérique. L’utilisation d’internet a considérablement changé les échanges économiques et tous les marchés sont maintenant concernés, du commerce à l’agroalimentaire, en passant par la santé, « ce qui bouleverse les codes et les repères économiques », constate Anouk Déqué, présidente de la Cgpme31 qui assure que les entreprises ne doivent pas rater le train de cette évolution mondiale. Beaucoup d’entrepreneurs l’ont bien compris et s’engouffrent dans ce que l’on appelle la nouvelle économie (croissance générée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication). Il existe d’ailleurs plusieurs modèles pour numériser un business, comme l’explique Paul Bois, associé de Fabernovel (agence d’innovation) et gérant de l’antenne toulousaine : « la création d’une structure propre, la connexion à l’existant comme Netflix utilise l’infrastructure informatique d’Amazone, l’innovation par l’invention d’un nouveau modèle, la création de partenariat avec des acteurs évoluant déjà dans la nouvelle économie, ou la co-innovation entre une entreprise traditionnelle et une numérique comme l’ont fait Général Motors et Google. » De multiples possibilités qui offrent une infinité de marchés potentiels, plutôt juteux d’ailleurs. À eux quatre, Netflix, Airbnb, Tesla et Uber représentent plus de 100 milliards de dollars de valorisation. Pourtant jeunes, ces entreprises ont connu une croissance exceptionnelle et c’est justement ce qui séduit les entrepreneurs. Le principal avantage de la nouvelle économie reste l’exportation puisque les connexions virtuelles permettent une communication et un traitement des commandes sans frontière, comme le confirme Gaétan Séverac, cofondateur de Naïo Technologies (Ramonville), spécialisée dans la robotique agricole : « Notre prospection à l’international s’est faite immédiatement, car il est plus facile de s’exporter lorsqu’on évolue dans le milieu du numérique que dans une entreprise traditionnelle, notamment parce que les temps de réactivité sont réduits. »
Les bugs du numérique
Mais attention, car si le potentiel semble énorme, « nous n’avons pas encore assez de recul pour évaluer cette nouvelle économie », précise Anouk Déqué. D’ailleurs, certains ayant cru à un eldorado économique, ont finalement tout perdu. « Même les actionnaires d’Amazone restent sceptiques face aux résultats trop moyens », remarque Corinne Chauveau, professeur de marketing à l’IGS de Blagnac. Et ils ne sont pas les seuls, les banques le sont aussi. Il s’agit de l’une des principales difficultés rencontrées par les entreprises du numérique, comme en témoigne Gaétan Séverac : « Le problème n’est pas tant de trouver des financements, mais plutôt de les obtenir d’établissements bancaires. Nous avons dû nous tourner vers des alternatives comme le crowdfunding et les fonds d’investissement privés. » La raison invoquée par les professionnels du secteur semble être la peur d’une économie encore trop peu établie. « Il ne faut pas être effrayé, il convient simplement d’en maîtriser les enjeux et donc de la connaître », avance Anouk Déqué. Cette démarche volontariste passera notamment par la moralisation du secteur, qui reste un défi en soi, « car le numérique est un espace de créativité qui ne doit pas être bridé. En revanche, il est nécessaire de le règlementer », estime la présidente de la Cgpme31. Et c’est toute la difficulté, « comment imposer une législation sur un phénomène mondial. Quelle loi doit s’appliquer pour une entreprise qui inonde la planète ? » s’interroge Corinne Chauveau. Se pose également le problème temporel. Le numérique évolue chaque minute quand il faut des mois, voire des années, pour qu’un État exécute une loi. Le cas d’Uber en est le parfait exemple : « nous légiférons au fur et à mesure, car nous avons toujours un temps de retard sur le numérique », se désole Anouk Déqué. Les entreprises s’engagent alors dans ce vide juridique. La notion de concurrence déloyale soulevée par les établissements traditionnels devient récurrente, mais ne constitue pas un enjeu pour les professionnels du numérique : « le problème ne provient pas d’une rivalité malhonnête, mais d’une mutation de notre économie que nous n’avons pas su appréhender », explique Corinne Chauveau. Pour elle, les sociétés traditionnelles et numériques peuvent coexister, pour preuve : « presque toutes les entreprises classiques ont leur site internet quand les virtuelles décident d’implanter des boutiques comme Free, rue Alsace-Lorraine. »
Une adaptation vitale
Cette cohabitation demande cependant aux entreprises traditionnelles, un effort particulier d’adaptation. Paul Bois travaille à l’accompagnement de ces structures vers le numérique et observe que « certains perçoivent les nouvelles technologies comme une menace quand d’autres y voient une opportunité. Dans tous les cas, plus personne ne peut dire que le numérique n’est pas son problème. Il faut donc d’abord les sensibiliser puis leur démontrer que le numérique peut transformer leur business. Le plus souvent, ils souhaitent évoluer parce qu’ils ne savent pas comment réagir face à des start-ups qui envahissent leur marché, parce que leurs concurrents directs ont entamé leur transition ou parce qu’ils veulent être les premiers à le faire dans leur secteur d’activité. » Pour les y aider, la Ggpme31 a mis en place, pour ses adhérents, des formations aux réseaux sociaux et à la dématérialisation, mais aussi des petits-déjeuners stratégiques. Si des accompagnements existent pour aider à une transition numérique, Anouk Déqué regrette pourtant un manque d’investissement dans notre région : « Toulouse est une ville innovante, où se développent des industries qui ont ou auront besoin du numérique, et où le tissu des start-ups et des pôles d’excellence est très dynamique. Pourtant, la visibilité en tant que cité du numérique n’est pas suffisante. De nombreuses entreprises toulousaines évoluant dans ce secteur d’activité ont eu une croissance exceptionnelle, comme Sigfox ou ITrust, mais si nous voulons les retenir, il faut leur montrer que les pouvoirs publics les soutiennent ! Tous les acteurs économiques et politiques doivent se pencher sur le sujet, des institutions, aux syndicats, en passant par les chambres consulaires. » Là se situe l’enjeu principal de ces prochaines années.
Le secteur des TIC en Midi-Pyrénées, c’est :
– 19 000 étudiants
– 2 600 chercheurs
– 2 776 entreprises
– 29 510 salariés
– CA en hausse de 27% en quatre ans
– 246 000€ de CA annuel moyen pour les start-ups
– 2.6 millions d’€ de CA annuel moyen pour les TPE/PME.
Commentaires