Dialogue social. Plusieurs projets de loi pourront modifier les relations entre patronat et représentants du personnel. Yvon Gay, directeur régional de Secafi, cabinet de conseil pour les instances représentatives du personnel, les décrypte et met en exergue les changements majeurs.
Yvon Gay, quels sont les projets de loi qui ont vocation à faire évoluer le dialogue social ?
La loi de sécurisation de l’emploi (2013) a déjà fait évoluer un certain nombre de choses dans le paysage français du dialogue social. En 2015, deux nouveaux projets de lois sont discutés : la loi Macron est passée au Sénat, qui a fait évoluer le texte initial, et revient à l’Assemblée nationale ainsi que la loi Rebsamen qui a été défendue mardi dernier par le ministre du Travail dans l’hémicycle.
Quelles sont les principales conséquences de la loi Macron sur les Comités d’Entreprises et les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail?
Dans un premier temps, cette loi ne comportait pas ces éléments mais le Sénat semble vouloir les apporter. Si ces propositions sont adoptées, les CE pourront se constituer à partir de 100 salariés présents dans l’entreprise et non plus 50. Le nombre de représentants du personnel n’est quant à lui pas défini semble-t-il. De même, le seuil serait rehaussé de 11 à 21, concernant les délégués du personnel. Le Sénat propose d’ailleurs de créer une Commission de révision du Code du travail.
Pour les CHSCT, les évolutions seront majoritairement portées dans la loi Rebsamen.
« Les CE pourront se constituer à partir de 100 salariés et non 50 »
Alors, qu’est-ce que la loi Rebsamen pourrait modifier en matière de dialogue social ?
A la première lecture, il devrait être possible pour les entreprises de moins de 300 salariés, à l’initiative de l’employeur, de regrouper les délégués du personnel, les CE et les CHSCT, dans une instance unique qui aurait les mêmes prérogatives que les trois précédentes. Ceci dans le but de simplifier les structurations, d’ailleurs le législateur souhaite, à travers cette loi, créer trois temps d’information-consultation (où les représentants du personnel émettent un avis) pour les CE et CHSCT afin de remplacer la vingtaine qui pouvait avoir lieu jusqu’à présent. Ces trois temps forts seraient organisés de la sorte : la direction informerait les représentants du personnel de l’orientation stratégique de l’entreprise (emploi, formation…), puis de la situation économique, financière et sociale de la société, pour finir sur le volet social (négociation annuelle obligatoire, qualifications…).
Concernant les prérogatives de la direction et des représentants du personnel, un changement est-il envisagé ?
Elles seraient maintenues si ce n’est que tout un chacun doit s’interroger sur les moyens de les maintenir. Si les instances sont regroupées, combien d’heures de délégations seront accordées pour les représentants du personnel ? Quelle sera la qualité des réunions information-consultation ?
Du côté de la direction, le délai pour adresser l’information en amont de la rencontre, qui est de 15 jours actuellement, pourrait être raccourci. Ceci pose la question de la capacité pour les représentants du personnel d’absorber ces informations, pour faire en sorte que les réunions soient productives. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, les trois temps forts sont également à l’ordre du jour mais ils ne seront pas organisés à l’initiative de l’employeur, ils nécessiteront un accord majoritaire.
Diriez-vous que ces projets de loi restent équilibrés ?
La manière dont ces lois vivront nous permettra de le dire. La loi Rebsamen existe suite à l’échec, en janvier, de négociations entre les organisations patronales et syndicales. Le gouvernement leur avait proposé de travailler sur un accord national interprofessionnel sur le dialogue social. N’étant pas parvenu à se mettre d’accord, le gouvernement a repris la main, d’où le projet de loi. Ce dernier est finalement assez proche de la dernière version proposée par les organisations patronales et en partie refusée par les syndicats. Pour ma part, je pense qu’il sera équilibré si les directions d’entreprises jouent le jeu de la qualité de l’information-consultation. Et il n’est pas évident qu’il le soit pour les représentants du personnel en termes de moyens.
Encadré
Pour en savoir plus
Le 17 juin prochain, au Théâtre 3T, le cabinet Secafi organise une réunion d’information et d’échanges sur la loi de Modernisation du dialogue social, dite loi Rebsamen.
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