Tribune. L’avocate toulousaine Stella Bisseuil prend partie sur la question de l’aéroport
“La décision de cession de la participation détenue par l’Etat dans la Sté Aéroport Toulouse Blagnac au consortium sino-canadien « Symbiose » est contestée par divers acteurs de la vie civile et politique qui viennent d’exercer des recours en justice.
La cession des activités aéroportuaires a été préparée par l’Etat de longue date. Elle concerne plusieurs aéroports en France, dont celui de Toulouse. Le Décret n° 2014-795 du 11 juillet 2014 autorisant le transfert au secteur privé d’une partie du capital de la Sté Aéroport Toulouse-Blagnac intervient à la suite de divers textes pris précédemment et de nature à permettre cette opération. Cette cession est donc le fruit d’une volonté politique exprimée publiquement.
Qu’on accepte ces décisions qui sont prises par un pouvoir exécutif démocratiquement élu, certes. Mais il faut y regarder de plus près. L’aéroport de Toulouse Blagnac a pour particularité d’être implanté à proximité immédiate de l’agglomération toulousaine, ce qui n’est pas sans incidence en termes de santé, d’environnement et de sécurité. Ainsi, les riverains et diverses associations sont inquiets des répercussions qu’aura la cession de l’aéroport de Toulouse, et craignent l’augmentation du trafic aérien, et des nuisances qui en résultent. De plus, certains citoyens se demandent s’il est cohérent et conforme à l’intérêt général de céder à des sociétés étrangères des intérêts aussi stratégiques que les activités aéroportuaires. Il a été affirmé officiellement, par les pouvoirs publics, que la participation de Symbiose dans le capital de la Sté Aéroport Toulouse Blagnac restait minoritaire, de telle sorte que les autres actionnaires restant majoritaires notamment grâce aux 10.01 % conservés par l’Etat, garderaient la main mise sur les leviers de direction de l’Aéroport. Mais hélas, l’Etat a fait montre d’un double langage. En effet, la vente des 10.01% restant en sa possession était prévue dès le départ, et faisait l’objet d’une option de vente, qui démontrait l’intention de l’Etat de procéder à cette cession, d’autant plus qu’un délai de 3 ans était prévu à cet effet.
“Le mode opératoire choisi par l’Etat démontre le déficit de dialogue et de transparence dont nous souffrons”
Mais surtout, le cahier des charges faisait apparaître un pacte d’actionnaires secret dont les termes mis à jour démontraient que l’Etat avait bien l’intention de remettre les clés de l’aéroport aux acquéreurs. En effet, le pacte prévoyait (Titre II 2-1-2) que, sur les 15 membres du conseil de surveillance, 8 constitueraient une majorité absolue décisionnaire et favorable au consortium sino-canadien. Egalement, l’article 2-2-2 prévoyait que l’Etat s’engageait à voter dans le même sens que l’acquéreur et à ne pas faire obstacle à ses projets. Ainsi, l’Etat s’engageait dans ce pacte secret, non pas à utiliser ses 10% de participation restant pour faire des arbitrages mais bien pour faire le jeu du nouvel actionnaire. Au-delà des discussions que suscite légitimement la cession d’une activité stratégique telle que l’aéroport de Toulouse, le mode opératoire choisi par l’Etat démontre le déficit de dialogue et de transparence dont nous souffrons, qui finit par éloigner nos concitoyens de l’attachement indéfectible que nous devrions tous avoir pour la démocratie. Système creux, que nos politiques ne savent pas faire vivre. Et qu’à chacun des échelons du pouvoir, nous devrions réapprendre.”
CV : Stella Bisseuil
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