À l’occasion du Mois de l’ESS, le JT explore l’univers des sociétés coopératives. Durant tout le mois de novembre, l’une d’entre elles sera mise à l’honneur chaque semaine. Aujourd’hui, il s’agit de Specialisterne. Mondialement reconnue pour son action visant l’inclusion professionnelle des personnes autistes, Specialisterne vient de s’implanter en France, et plus particulièrement à Toulouse.
Faire découvrir aux entreprises l’avantage concurrentiel qu’apportent les personnes autistes grâce à leurs caractéristiques spécifiques, et accompagner leur recrutement, c’est la mission de Specialisterne. Cette société internationale, créée au Danemark en 2004, est présente dans 13 pays, dont la France depuis le mois de mars dernier. La franchise s’est implantée à Toulouse, sous l’impulsion de ses cofondatrices, Gabrielle Blinet et Pascale Marchal. Une avancée significative pour toutes les personnes autistes se trouvant sur le marché du travail.
Car, comme le constate Gabrielle Blinet, gérante de Specialisterne France, « plus de 90 % des personnes autistes sont au chômage ». Une aberration, pour la dirigeante, au vu des capacités et des qualités qu’ils développent. « Outre des compétences professionnelles strictes, les autistes sont dotés d’une très bonne mémoire, ils portent beaucoup d’attention aux détails, ont une pensée logique, apprennent de manière autodidacte, font preuve de rigueur, de créativité et de droiture… », énumère-t-elle. Des caractéristiques d’ordinaire recherchées par les employeurs, mais qu’il est nécessaire de mettre en valeur lors d’un recrutement. Ce dont les personnes autistes ne sont pas capables.
Parce qu’ils rencontrent souvent des problème de communication, l’étape de l’entretien d’embauche demeure un obstacle dans l’insertion professionnelle des autistes. « Ils sont francs et ne comprennent pas l’ironie. De plus, ils n’ont pas confiance en eux. Ainsi, il leur est difficile d’adopter le bon comportement lors d’une première rencontre avec un potentiel employeur, où la capacité à communiquer est évaluée, plus que les compétences », explique Gabrielle Blinet. À une question du type « que pensez-vous pouvoir apporter de plus que les autres ? » une personne autiste pourra répondre : « Je ne sais pas, je ne connais pas les autres ! »
C’est sur ce constat d’échec chronique, que Specialisterne a élaboré un processus de recrutement spécifique aux personnes autistes, qui s’opère en partenariat avec les entreprises employeuses. L’enjeu étant de baser l’embauche sur les compétences professionnelles exclusivement. Pour cela, les traditionnelles lettre de motivation et les entretiens individuels sont mis au rebus, au profit d’exercices de groupe et d’une approche concrète. On y utilisera des robots programmables Lego Mindstorm par exemple, pour observer les réactions émotionnelles ou la concentration. De même, le candidat sera mis en situation, en effectuant certaines tâches du poste à pourvoir.
Suite à ces tests, Specialisterne recommande des profils adaptés aux entreprises. Un “matching” que le recruteur valide ensuite, ou pas. Et selon les retours des sociétés ayant déjà éprouvé le dispositif, « 93 % estiment que la personne autiste qu’elles ont recrutée travaille aussi bien, voire mieux, que les autres salariés », témoigne Gabrielle Blinet. Et ce, dans divers domaines : « L’informatique, mais aussi le soin aux animaux, la comptabilité ou encore l’administratif. »
L’étape suivante consistera à former et sensibiliser les collègues et les managers à l’autisme. « Car, souvent, les gens n’y ayant jamais été confrontés ont tendance à penser qu’ils vont se trouver face au personnage de Rain Man ou de la série Good Doctor », raconte Gabrielle Blinet. Ce n’est pas tout à fait faux ni tout à fait vrai. En tout cas, il sera nécessaire que les personnes autistes et leurs collaborateurs soient accompagnés dans l’apprivoisement les uns des autres. Une phase que Specialisterne prend également en charge.
En faisant le choix du recrutement d’une personne autiste, une entreprise fait également celui de la diversité, et répond à ses enjeux de RSE (Responsabilité sociale des entreprises). De son côté aussi, Specialisterne assure une mission sociale en favorisant le recrutement des personnes autistes. Elle vient d’ailleurs d’obtenir l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus). Et pour aller au bout de leurs convictions et de leurs valeurs, Gabrielle Blinet et Pascale Marchal ont souhaité développer leur activité en Scop (société coopérative et participative).
Ce statut a séduit les cofondatrices pour plusieurs raisons : « D’abord, parce qu’il permet de rémunérer le travail humain. C’est un modèle qui responsabilise les collaborateurs, les fait sortir du rôle d’exécutant afin de veiller au bon fonctionnement de l’entreprise dont ils sont copropriétaires », précise la gérante. Il s’agit également de s’inscrire dans le champ de l’économie sociale et solidaire. « Cela rassure les personnes autistes qui constatent que nous ne somme pas là pour faire de l’argent sur leur dos, mais bel et bien pour les accompagner », poursuit-elle. En effet, dans une Scop, les bénéfices sont réinjectés dans l’entreprise pour son développement. Un écosystème vertueux qui permet « de prendre soin de la relation de confiance qu’entretiennent les personnes autistes avec Specialisterne », termine Gabrielle Blinet.
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