Les sociétés coopératives de développement local font leur arrivée en France. La toute première se situe dans une petite ville de Lozère. Cette nouvelle forme de gestion réunie différents acteurs du territoire et a pour but de promouvoir la consommation locale.
C’est à Langogne en Lozère, dans une petite ville de 3.000 habitants, que s’est développée la toute première société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) de développement territorial de France. Intitulée Lac48.coop, la structure regroupe une quarantaine de coopérateurs autour de Langogne.
Depuis son lancement en 2019, elle rassemble les acteurs privés, publics, associations, salariés ou encore citoyens du territoire. “Il s’agit de rassembler plusieurs acteurs au sein d’une même structure pour établir une véritable cogestion et une nouvelle forme de gouvernance”, indique Francis Palombi. Le président de la Confédération des commerçants de France (CDF) considère Langogne comme sa “ville d’adoption”.
“L’idée, c’est d’avoir une structure qui puisse être à la fois sur la Lozère, la Haute-Loire et l’Ardèche. Il n’y pas de frontières administratives. Notre objectif est de rassembler pour faire du développement local et travailler à l’échelle d’un bassin de vie”, explique Jules Dutronc, membre de la SCIC et manager du centre-ville à Langogne.
“Lac48.coop rassemble des acteurs différents pour que tous puissent participer au développement local”, déclare-il. La société coopérative de développement local a pour but d’accroître l’attractivité dans le centre-ville de Langogne et aux alentours. “Nous sommes une petite ville donc nous pouvons nous permettre d’élargir jusqu’au territoire, mais ce sont des sociétés adaptables à tout type d’agglomération”, complète Bernard Benoît, libraire à Langogne et adhérant à Lac48.coop depuis les débuts.
Associations, commerçants, artisans ou encore comptables travaillent dans une même structure pour gérer, échanger et bâtir des projets. Mais également pour faire appel à des fonds extérieurs, à du crédit coopératif ou à la banque des territoires. “Les associations de commerçants font des choses, mais cela reste limité de par leur structure associative”, relève le Président de la CDF. “A l’inverse, les SCIC sont un réel organe de cogestion. Ils ont un statut et un modèle économique“, ajoute t-il. “L’intérêt de s’être regroupé en société coopérative est d’avoir une structure pour prendre des décisions”, complète Jules Dutronc.
Le point de lancement de cette nouvelle société coopérative : la plate-forme numérique. Horaires de cinémas, travaux de la mairie, informations administratives et annuaire des associations… Tous les acteurs qui le souhaitent peuvent figurer sur la plate-forme Langogne et vous. D’après Bernard Benoît, c’est également une manière de soulager les petits commerçant de la gestion de leur propre site. “Tout le monde n’a pas forcément le temps ou les moyens de gérer un site internet. L’avantage avec cette plateforme interprofessionnelle est que chacun peut profiter de la communication de l’autre. Par exemple, quand il y aura les horaires de cinéma, je pourrais proposer une publicité avec des livres”, explique t-il.
Un processus qui a fait ses preuves pendant la période du Covid puisqu’il a permis d’approvisionner une grande partie de la Lozère. “Ils ont mis à disposition toute une infrastructure et ont contribué à développer une dynamique économique pendant la crise sanitaire”, raconte le président de la CDF.
Tout droit venue du Québec, l’idée de cette société coopérative a dû être adaptée au système français avant d’être importée. En 2017, Francis Palombi a invité plusieurs lozériens à découvrir les coopératives canadiennes. Parmi eux : Bernard Benoît. “Pendant 3 jours, nous avons été à la rencontre de plusieurs sociétés”, raconte le libraire. “Après cela, nous avons mis deux ans à étudier comment on pouvait mettre cela en place en France”, confie t-il. “Au Canada, les institutions publiques et privées sont regroupées. Il fallait donc un système similaire en France. Et une société de droit privé qui appartient et à du privé et à du public, il n’en existe qu’une sorte. Ce sont les SCIC”, rapporte Bernard Benoît.
“L’avantage est que comme il s’agit d’une société de droit privé, aucune institution publique ne peut être majoritaire. Intermarché, la Mairie, le cordonnier du coin, quel que soit le capital de chaque organisation, le nombre de voix est le même“. Pourtant, le procédé peine à se développer en France comme l’explique Francis Palombi. “Chaque acteur est habitué à vivre dans sa sphère. Tout est géré en silo”, analyse le président de la CFD. “Pour passer d’une gestion habituelle à un nouveau système, cela va prendre un peu de temps”, estime t-il.
“Il faut pouvoir proposer une solution locale pour les personnes qui vivent dans les territoires plutôt que d’acheter des produits fabriqués à l’autre bout du monde”, estime Jules Dutronc. “Nous aussi nous avons des artisans et des commerçants qui proposent des produits de qualité”, estime t-il. Un sentiment que partage Bernard Benoît qui perçoit ces sociétés coopératives comme une alternative aux grandes entreprises de commerce en ligne. “L’idée n’est pas de contrecarrer les géants comme Amazon. En revanche, lorsque les clients souhaitent commander un article, je peux désormais les orienter vers le site internet, chose que je ne pouvais pas faire avant”, déclare t-il.
“Personnellement je n’ai pas forcément besoin du site, mais si mes voisins commerçant meurent, je vais mourir aussi. Tout le monde a compris que si chacun n’était pas acteur de son territoire, cela allait être compliqué pour tout le monde”, termine Bernard Benoît. Pour Francis Palombi, les SCIC sont l’avenir. “C’est une chance de redynamisation et de réhabilitation des centres-villes et des alentours. Nous sommes de plus en plus attaqués par les grandes entreprises. Je compte vraiment sur ce genre de coopératives pour maîtriser cette expansion déloyale que représentent les grands Pure Player. Nous allons y arriver !”, termine t-il.
Commentaires