À l’occasion du Mois de l’ESS, le JT explore l’univers des sociétés coopératives. Durant tout le mois de novembre, l’une d’entre elles est mise à l’honneur chaque semaine. Aujourd’hui, il s’agit de la Fonderie Gillet. Cette entreprise, la plus vieille de France dans son domaine, a plusieurs fois failli disparaître. Mais c’était sans compter sur la pugnacité de ses salariés à vouloir sauver leur outil de travail.
Il est des entreprises chargées d’histoire, dans tous les sens du terme. C’est le cas de la Fonderie Gillet. Cette entreprise, basée à Albi, a vu le jour en 1687, sous le règne de Louis XIV. À l’époque, les ouvriers y fabriquaient des canons et toute sorte de matériel militaire. Puis dans les années 1800, ce sont des outils pour travailler la terre qui sortaient des fours. Avant que le site se spécialise dans les pièces mécaniques, en 1938.
Gérée par la famille Gillet depuis sa création, la fonderie, qui avait connu ses heures de gloire, finit par être placée en liquidation en 2008. Elle est rachetée par la société Sofual, qui ne parvient pas à redresser la situation, en pleine crise économique mondiale. De mauvais choix stratégiques conduira la direction à déposer le bilan, une nouvelle fois, en 2010. Les savoir-faire, les outils de production et plus de 40 emplois risquaient alors de disparaître. Une perspective inenvisageable pour les salariés.
22 d’entre eux décident alors d’entrer en résistance et de se battre pour préserver leur outil de travail. Accompagnés par l’Union régionale des Scop Midi-Pyrénées (Urscop), ils déposent une proposition de reprise de l’entreprise en société coopérative. Dossier qui sera validé par le tribunal de commerce d’Albi le 18 novembre 2014. La Fonderie Gillet Industries s’apprêtait ainsi à écrire une nouvelle page de son histoire.
« Nous voulions défendre nos emplois. Nous nous sommes battus pour cela et nous y sommes parvenus grâce à une forte cohésion de groupe », se souvient Nicolas Pomarède, actuel PDG de la Scop. Cet ancien salarié, responsable de la maintenance, est entré à la Fonderie Gillet en 1987. Lui et ses collègues ont dû se former pour acquérir des compétences de gestion d’entreprise. Un parcours difficile, mais que tous avaient à cœur d’effectuer pour devenir maître de leur avenir professionnel.
Un engagement qui porte aujourd’hui ses fruits, puisque 7 ans après la reprise, la société compte une trentaine de salariés, dont 26 sont sociétaires, et dégage 2,6 millions d’euros de chiffre d’affaires. À l’équilibre, la Scop doit son salut à des employés qui ont accepté « de mouiller leur chemise », à leur expertise et au savoir-faire qu’ils ont su faire évoluer pour diversifier leurs activités.
En effet, les 320 fonderies installées en France, connaissent des temps difficiles, à l’inverse de la Fonderie Gillet. Une situation que Nicolas Pomarède explique par « leur dépendance à un secteur industriel en particulier. Elles sont restées mono-produits quand nous nous sommes diversifiés ». Pour preuve, l’entreprise albigeoise est capable de fabriquer en petite et moyenne série des pièces allant de 2 centimètres à 600 kilos. Et ce pour divers secteurs industriels.
Du matériel ferroviaire, maritime et fluvial aux équipements incendie, en passant par les systèmes de pompage. Du mobilier urbain aux motorisations navale, terrestre et aérienne, en passant par du matériel agricole… La Fonderie Gillet Industries est polyvalente et sait s’adapter aux besoins de ses nombreux clients.
Une prouesse possible grâce à une offre stratégique inédite dans le secteur, mise en place il y a 4 ans. « Sur un même site, nous disposons d’un bureau d’études, de la fonderie et de l’atelier d’usinage. Nous pouvons ainsi proposer à nos clients un service complet allant de la conception d’une pièce à sa fabrication », se targue Nicolas Pomarède.
Une expertise et un savoir-faire dont les salariés ne sont pas peu fiers. « S’il était une époque où travailler chez Gillet n’était pas forcément une gloire, désormais nous portons le blason la tête haute », confie le PDG. D’une part, parce qu’ils brandissent comme un étendard leur parcours semés d’embûches mais couronné de succès, à l’image de leur gérant : « Ce qui nous arrive n’est pas un miracle, c’est du travail et de l’engagement. » D’autre part, parce que la marque se développe à l’échelle nationale et internationale. Les salariés ont notamment fabriqué les gicleurs de la fontaine de l’Arc de Triomphe et les 105 roues des pompes qui alimentent en eau tout le Salvador, en Amérique du Sud.
« Des productions que nous pourrions maintenant augmenter, générant ainsi des emplois supplémentaires », constate Nicolas Pomarède. Mais pour cela, un déménagement s’impose, les locaux actuels étant trop exigus. Dans un même temps, l’entreprise devrait recruter un commercial. Autant de perspectives étudiées par les sociétaires, qui acteront ensemble de l’évolution stratégique de leur entreprise, comme c’est l’usage dans une Scop. « Qu’elle que soit la décision, nous saurons nous adapter. C’est ce qui fait notre force depuis maintenant plusieurs années », conclut le PDG.
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