Les chercheurs sont au chevet des agriculteurs pour anticiper les conséquences du réchauffement climatique. Qu’il s’agisse d’importer des espèces exotiques ou de sélectionner de nouvelles variétés, Philippe Vernier, ingénieur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), nous explique ses méthodes.
En Occitanie, le réchauffement climatique ne se traduit pas uniquement par une hausse des températures moyennes. Il a aussi pour conséquence la multiplication d’épisodes météorologiques extrêmes : pics de chaleur, sécheresses ou violentes pluies. Autant d’évènements qui ont un impact direct sur les cultures agricoles. « Nous devrons nous adapter et nous en avons les capacités », estime Philippe Vernier, ingénieur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Cet expert s’est particulièrement intéressé à la patate douce, qui suscite l’engouement des consommateurs métropolitains depuis quelques années, notamment pour sa forte teneur en vitamine A et son faible taux glycémique. Probablement originaire d’Amérique tropicale, « c’est un légume d’été, qui s’accommode parfaitement à des températures de plus de 40 degrés comme celles que nous connaissons de plus en plus fréquemment », remarque Philippe Vernier. Avec son équipe du Cirad, il accompagne depuis trois ans la coopérative TeraNeo et les Serres du Lodévois, au cœur de l’Hérault, dans la mise en place d’une filière bio occitane de la patate douce.
Des essais ont été menés sur différentes variétés ou sur des solutions techniques permettant plus de précocité des productions. « Grâce à la proximité d’une source d’eau chaude à 52 degrés, il n’est pas nécessaire de chauffer les serres, ce qui évite de dépenser de l’énergie», rajoute Philippe Vernier. Une réussite : les pousses du féculent à chair orange apprécient les lieux et se vendent comme des petits pains.
Avec la raréfaction des ressources en eau, d’autres plantes exotiques pourront nous être très utiles. « C’est le cas du sorgho : avec ses racines profondes, cette céréale africaine a beaucoup moins besoin d’être arrosée que le maïs, que l’on produit sur des centaines de milliers d’hectares. On aura peut-être tendance à remplacer le second par le premier », imagine Philippe Vernier.
Pour autant, le chercheur n’anticipe pas de mutation radicale de l’agriculture régionale dans les décennies à venir : « Les gens sont attachés à leurs habitudes de consommation alimentaire et voudront continuer à manger demain ce qu’il y a dans leur assiette aujourd’hui. C’est pourquoi, avant de décider de changer les espèces qu’il produit sur ses terres, l’exploitant essaiera d’abord de trouver d’autres variétés parmi les fruits et légumes qu’il cultive déjà ».
Ces variétés doivent être plus résistantes aux canicules, aux intempéries et aux ravageurs, qui pullulent à la faveur d’hiver plus doux. « En Occitanie, on teste par exemple des cépages qui poussent en Espagne, ou bien on effectue des greffes de vignes européennes sur des pieds d’origine américaine qui ne craignent pas le mildiou. » Une autre méthode consiste à créer, de toute pièce, de nouvelles variétés, par croisement puis sélection, « grâce à des outils performants qui nous permettent de gagner beaucoup de temps », conclut Philippe Vernier.
Il est directeur général pour la recherche et la stratégie du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Il est notamment en charge du développement des partenariats avec les institutions de recherches agricoles internationales.
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