Conférences de presse, interviews, déjeuners officieux… Malgré l’importance prise par les réseaux sociaux, le message politique passe toujours par le prisme des médias traditionnels. Expert en communication, Philippe Moreau-Chevrolet décrypte les rouages de la relation candidat-journaliste.
Le 22 novembre dernier, ce n’est pas par le biais d’une conférence de presse classique que Jean-Luc Moudenc avait décidé de s’adresser aux médias locaux. Mais via un déjeuner informel réservé à une poignée de journalistes toulousains. Une nuance loin d’être anodine. Car en communication politique, les mots sont choisis avec soin. Déjà, au mois de juin, le maire, pas encore candidat à sa réélection, s’était livré au même exercice. L’occasion, à chaque fois, de partager son sentiment sur la situation politique, de faire planer le doute sur ses intentions ou de délivrer quelques piques à l’égard de ses concurrents.
Des propos tenus dans une relative intimité, mais qui se retrouvent systématiquement relayés dans les médias. « Le off, c’est-à-dire des confidences censées ne pas être révélées, n’existe plus en politique. La prise de risque est devenue trop importante à l’heure de la transparence. Les hommes et femmes politiques font donc aujourd’hui semblant d’accorder des moments privilégiés », décrypte Philippe Moreau-Chevrolet, communicant et fondateur de MCBG Conseil. Une vraie évolution, mais dont l’objectif reste le même selon l’expert : « Le souci premier des professionnels de la politique est de contrôler leur environnement. Ces faux off permettent de créer de la connivence, de la proximité et, même inconsciemment, des rapports d’obligation. »
Preuve que, malgré l’avènement du numérique, les médias traditionnels restent des relais de choix pour faire passer leur message. « Il ne faut pas confondre effet de visibilité et réalité de l’influence », confirme Philippe Moreau-Chevrolet. « La presse est toujours un enjeu majeur, car elle est consommée par des personnes âgées qui composent encore l’essentiel de l’électorat ». Et comme toute chose, savoir parler aux journalistes s’apprend, même si, au niveau local, tous les candidats ne partent pas sur un pied d’égalité. Le consultant distingue ainsi plusieurs profils : ceux qui disposent d’un staff professionnel à leur côté, ceux qui se font aider via du média training ou encore ceux qui, par manque de moyens ou par principe, s’aguerrissent sur le tas.
Mais si la qualité première d’un candidat est sa capacité naturelle à s’adresser directement aux gens, « faire appel à un communiquant permet d’améliorer son expression en public, déterminer les sujets à aborder en priorité, optimiser le timing de ses interventions et surtout avoir un regard extérieur sur soi-même qui ne soit pas celui des sympathisants ou des détracteurs », détaille Philippe Moreau-Chevrolet. Autrement dit, apprendre à faire campagne en fonction des électeurs. Au risque de perdre en authenticité ? « C’est l’éternel défi de la politique : articuler ce que l’on est avec l’attente des citoyens. Tout dépend de la stratégie, rester à tout prix soi-même peut amener à vite plafonner… Lorsque l’on souhaite accéder à la majorité, il faut trouver le bon dosage. »
Biographie
Ancien journaliste et réalisateur, Philippe Moreau-Chevrolet est le fondateur et président de MCBG Conseil, agence spécialisée dans la communication et la stratégie d’influence des dirigeants, publics et privés.
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