Boom du vélo mais aussi de la voiture, déclin des transports en commun… La mobilité à l’heure de l’épidémie de Covid-19 fait la part belle aux déplacements individuels. Dominique Riou, chargé d’études au département Mobilité Transport de l’Institut Paris Région analyse cette reconfiguration en cours.
À ce jour, quels sont les grands impacts de la crise sanitaire sur la mobilité ?
Contrairement au trafic, il est impossible de mesurer de manière instantanée la mobilité. Mais il est évident que les transports en commun, en tant que lieux de promiscuité, voire de saturation, sont à la peine. Ce sont les grands perdants de la crise. Ce qui pose d’ailleurs de sérieux problèmes pour les finances des exploitants. Et, de ce fait, on peut dire que la grande tendance qui se dégage de cette période, entre confinement, déconfinement et semi-confinement, est la mobilité individuelle. Les modes personnels de déplacement que sont la marche, le vélo, les deux-roues motorisés mais aussi la voiture ont connu un net regain d’intérêt.
Le regain de la voiture ne constitue-t-il pas un retour un arrière ?
Le scénario d’un retour massif à l’usage de la voiture, notamment de la part d’ex-usagers des transports en commun, était en effet à craindre. Ce boom aurait conduit rapidement à la saturation du réseau et à une dégradation de la qualité de l’air. Or de ce que l’on peut observer à ce jour, par rapport au premier confinement, la voiture a seulement retrouvé ses niveaux d’avant l’arrivée de l’épidémie, mais pas plus. Les aménagements cyclables temporaires ou transitoires, réalisés dans de nombreuses villes, ont de toute façon contraint son espace. Et la généralisation du télétravail réduit de fait les besoins de déplacement. En Île de France, par exemple, il n’y a eu que 37 millions de déplacements par jour en septembre 2020 contre 43 millions l’année dernière à la même période.
Le vélo a-t-il réellement pris une nouvelle dimension avec la crise ?
Clairement oui. La montée en puissance que l’on pouvait prévoir à la sortie du premier confinement s’est belle et bien produite. Le public était déjà acquis, d’année en année, mais le contexte a permis de dépasser un nouveau stade. Désormais, le vélo est un transport métropolitain comme un autre qui a fait ses preuves. Un mode de déplacement sérieux. En attendant que les transports en commun retrouvent toute leur capacité, c’est même celui qui permet une utilisation plus rationnelle et compacte du réseau de voirie. Sur le boulevard de Sébastopol à Paris, aux heures de pointe, on enregistre plus de trafic sur la piste cyclable que sur les trois autres files de voiture. Cela démontre l’efficacité du vélo.
Cet engouement augure-t-il d’un changement profond des comportements ?
Je pense que nous allons assister à une montée en puissance structurelle de l’usage du vélo. Un nouvel équilibre, plus vertueux, est en train de se dessiner. Mais la mobilité se transforme très lentement et certaines villes mettront plus de temps que d’autres. À titre de comparaison, on dit souvent qu’il existe une culture du vélo en Hollande qui expliquerait la place qui lui est accordée aujourd’hui. Mais pas du tout. Il y a eu un tournant, dans les années 1970, avec des choix politiques forts. Tout n’était pas acquis au départ. En France, l’usage du vélo est désormais validé sur le plan théorique. Reste à développer son application. Le paysage est en train de se reconfigurer
Y a-t-il toutefois des inconvénients engendrés par la tendance à la mobilité individuelle ?
Si les besoins de déplacements reviennent à la normale, le partage de la voirie, déjà compliqué avant la crise, peut s’avérer encore plus problématique. Il y a bien un enjeu de rééquilibrage de l’espace public de voirie, entre chaussée, aménagements cyclables et trottoirs. Mais les transports en commun retrouveront, un jour ou l’autre, leur fréquentation habituelle. On ne fera jamais aussi bien en terme de vitesse et d’efficacité. De toute façon, il n’y a pas de solution miracle. L’amélioration de la mobilité repose sur un bon équilibre entre les modes. C’est la voie vers laquelle nous nous dirigeons.
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