C’est une chose acquise, les scientifiques ont démontré que l’Homme est responsable du dérèglement climatique. Désormais conscient de son impact, ce dernier doit agir. Mais sur ce point, chacun avance sa théorie. Différentes perceptions de l’urgence se heurtent et diverses réflexions s’opposent… ou se complètent. ©Lithgowlights-Wikimedia
« Le monde a commencé sans l’Homme et s’achèvera sans lui », écrivait l’anthropologue Claude Lévi-Strauss dans son ouvrage “Tristes tropiques”, paru en 1955. Une manière de demander à notre espèce une once d’humilité. Car nous ne sommes qu’une partie d’un tout. Seulement les usufruitiers d’une planète sur laquelle notre empreinte est déjà trop visible. À ce phénomène, les scientifiques ont donné un nom : l’anthropocène. Popularisé par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen en 1995, il caractérise l’ère durant laquelle l’activité humaine a laissé des stigmates sur la Terre. « On situe le début de cette période à la révolution industrielle, soit dans les années 1800 », précise Philippe Descola, anthropologue et professeur au Collège de France. Pour ce dernier, l’émergence du capitalisme marchand a transformé les biens communs, comme l’eau, en sources de profits. « Nous avons illusoirement pensé que la nature était une ressource infinie permettant une croissance perpétuelle grâce aux perfectionnements technologiques », détaille-t-il pour expliquer la manière dont l’Homme s’est approprié son environnement.
Mais, comme le mentionne le chercheur, cela n’est que chimère. L’impact de l’activité humaine, elle, ne l’est pas. En juillet 2018, la prestigieuse revue ‘’Science’’ a publié une nouvelle étude qui estime à cinq sur un million, la probabilité que l’Homme ne soit pas à l’origine du dérèglement climatique. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) va également dans ce sens en évaluant la responsabilité de notre espèce dans ce phénomène à 95 %. Il ne s’agit donc plus d’une hypothèse, mais d’une affirmation scientifique.
Comme le rappelle Philippe Descola, peu à peu « nous avons altéré tout un écosystème, et perturbé le climat de la Terre. Nous avons contribué à augmenter d’un tiers la concentration atmosphérique en Co², à l’acidification des océans, à la fonte des glaciers, à la pollution croissante des sols, des eaux et de l’air ». Et, selon les scientifiques, des points de non-retour ont d’ores et déjà été atteints : la perte de la calotte glaciaire, la disparition du pergélisol de l’Arctique, le ralentissement de 15 % du Gulf stream ou l’anéantissement de 17 % de la forêt amazonienne depuis 1970…
Et les conséquences sont également tangibles pour l’Homme lui-même. Les inondations en Inde et au Bangladesh, le typhon Lekima en Chine, l’ouragan Dorian aux États-Unis, le cyclone Idai au Mozambique, les feux de forêts en Californie, en Amazonie, en Suède et en Sibérie… En Australie, des mégafeux, qui continuent de ravager le pays, ont brûlé près de 10 millions d’hectares de végétation, détruit plus de 2 000 habitations, tué 32 personnes et fait disparaître 500 000 millions d’animaux. Si l’origine de ces phénomènes ne peut être clairement liée au réchauffement climatique, il est certain que leur violence, leur durée et leur fréquence en sont les conséquences indirectes selon les experts. Pour ces derniers, il s’agit-là d’exemples, en grandeur nature, de ce à quoi il faudra se préparer à l’avenir. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique “Plos One”, des chercheurs de l’université de Zurich annoncent que dans trente ans, 3 villes sur 4 dans le monde seront concernées par des perturbations climatiques majeures de ce type. ©Lucas Sandor-Unsplash
Des manifestations météorologiques qui ne sont que les prémices d’un bouleversement plus global. Car, comme l’expose le dernier rapport du Giec, un réchauffement de deux ou trois degrés entraînerait des réactions en chaîne : l’ONU évoque notamment une crise alimentaire et un accès à l’eau potable de plus en plus difficile. 600 millions de personnes pourraient ainsi souffrir de malnutrition d’ici 2080. Ce qui décuplerait les risques sanitaires : le paludisme, la dengue et les maladies diarrhéiques par exemple, augmenteraient de 5 à 10 % selon l’OMS.
Pour se protéger de ces fléaux, de la sécheresse et des accès du climat, les populations chercheront à fuir et des mouvements démographiques importants pourraient avoir lieu. Le nombre de réfugiés climatiques atteindrait ainsi les 250 millions de personnes d’ici 2050, au dire de l’ONU. Sans compter les répercussions économiques, dont le coût est établi entre 1 et 10 % du PIB mondial en 2100, soit jusqu’à 5 500 milliards d’euros, d’après le rapport Stern qui fait référence en la matière.
Face à ces prévisions peu optimistes, les Hommes s’organisent. Bien qu’ils n’aient pas le même rapport à l’urgence, nombreux sont ceux qui ont pris conscience de la gravité de la situation. Qu’ils espèrent encore pouvoir inverser la courbe ou qu’ils estiment qu’il est déjà trop tard, différents courants de pensée se développent aujourd’hui. Ils n’ont pas le même dessein ni les mêmes leviers d’actions, mais tous mènent une réflexion quant à l’adaptation de l’humanité à des changements majeurs. Se confrontent donc des écologistes convaincus qui tentent de réduire drastiquement leur empreinte sur la planète pour éviter le pire et des collapsologues qui croient en l’effondrement environnemental et sociétal de notre civilisation et documentent les différents scénarios.
Des survivalistes qui se préparent à une catastrophe en cherchant l’autonomie de fonctionnement et des transhumanistes, persuadés que la science et la technologie pourront préserver voire améliorer les conditions de vie. Ou encore des partisans de la décroissance qui prônent la simplicité volontaire pour diminuer l’impact de l’Homme sur son environnement et ceux qui défendent la fameuse “croissance verte” en militant pour les énergies renouvelables. Des théories différentes qui se rejoignent en une même volonté farouche de sauvegarde de l’humanité.
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