Avec ses hordes de camions qui sillonnent la France et l’Europe au quotidien, le monde du transport routier n’est pas réputé pour ses vertus écologiques. En Occitanie, le cluster Trans Ten tente de convertir le maximum d’entreprises au gaz naturel. Une station spécifique a vu le jour à Toulouse.
® Franck AlixEntre l’extrémité Nord du périphérique et le Grand marché de Toulouse (Min), la zone de Fondeyre est le royaume des camions. Pas exactement le genre de paysage qui évoque l’écologie. Pourtant, le long de l’avenue des États-Unis, un peu de vert émerge timidement de la grisaille matinale. Coincée entre la route et un parking pour poids lourds, une petite station-service affiche en effet la couleur de l’environnement. Ici, les pompes ne distribuent pas de l’essence, mais du gaz. Inaugurée en avril 2018, la station Gaz’Up, du nom de la société assurant sa maintenance, est la troisième de la métropole à proposer du GNV (gaz naturel pour véhicule).
Après être descendu de sa cabine, Samir Aboulala, chauffeur pour la société de transport Poux, passe d’abord par une borne sur laquelle il appose son badge. Puis branche le pistolet sur son réservoir et fait le plein de carburant en maintenant son doigt appuyé sur un bouton. « La machine réalise trois tests avant que le compresseur se mette en route. C’est un système de sécurité pour vérifier qu’il n’y ait aucune fuite. Tout doit être parfaitement étanche », explique-t-il. L’affaire est réglée en cinq minutes. Une fois remplies, les huit bonbonnes installées sous son camion lui permettront d’effectuer entre 450 et 500 kilomètres. Largement de quoi rallier Pamiers pour la mission du jour : livrer le magasin d’une célèbre enseigne d’ameublement, dont le logo habille la remorque.
« Pour l’instant, en raison du nombre d’installations dédiées, le GNV permet de faire des tournées locales », explique François de Bertier, ancien dirigeant de Poux et aujourd’hui président du cluster Trans Ten. À l’origine de ce groupement qui promeut la transition énergétique dans le transport routier en Occitanie, se trouvent une demi-douzaine d’entreprises du secteur qui ont réuni leurs forces pour aller vers des carburants alternatifs. « Pour des camions de plus de dix tonnes, l’électricité n’a pas de sens. Quant à l’hydrogène, il n’y aura des solutions concrètes qu’aux alentours de 2025. Nous nous sommes donc tournés vers le gaz », relate François de Bertier. Pour cela, les transporteurs se sont d’abord équipés en camions spécifiques auprès de marques étrangères — les seules prêtes à ce jour. Encore fallait-il ensuite pouvoir les faire rouler.
« Le mouvement est lancé »
Avec l’aide de Toulouse Métropole pour le foncier, ils créent donc eux-mêmes une station GNV. Le cluster est lancé dans la foulée pour réitérer l’opération partout en Occitanie. Il regroupe aujourd’hui des syndicats, des organismes de formations ainsi que des collectivités locales ou encore avec le distributeur de gaz GRDF. De six en 2018, le nombre de stations dans la région passera à près de 30 en 2020, notamment grâce à un appel à projets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). « Le mouvement est lancé. Pour les sociétés, il y a certes un surcoût d’investissement au départ, mais qui est rapidement compensé par une consommation plus basse et un prix moins élevé par rapport au diesel », assure le lobbyiste, avant de souligner les avantages du gaz sur le plan environnemental : 30 % de CO² et 95 % de particules fines rejetés en moins. « Pour l’instant, nous utilisons du GNV importé, mais avec le biogaz, la diminution de CO² sera de 80%. De quoi quasiment régler le problème », s’enthousiasme François de Bertier.
En effet, dès 2021, quand le projet de méthanisation des boues de l’usine d’épuration de Ginestous aura vu le jour, la station Gaz’Up de Fondeyre sera l’un des premiers bénéficiaires de cette ressource verte produite localement. Et avec l’immense plateforme de logistique urbaine qui s’apprête également à émerger en 2021, à 100 mètres de là, c’est tout un écosystème qui permettra au gaz de se répandre.
Mais si le nombre de camions fonctionnant au GNV a été multiplié par dix en six ans, ils ne représentent qu’une goutte d’eau dans le parc global. Avec près de 3800 entreprises de transport et de logistique en Occitanie, le travail à accomplir reste colossal. « Malgré l’image qu’ils souhaitent renvoyer, les donneurs d’ordre se fichent du carburant utilisé pour livrer leurs marchandises. Nous aimerions qu’à prix égal, ils privilégient ceux qui essaient d’être propres », lance François de Bertier. Au sein de l’entreprise Poux, 20 % de la flotte est convertie à ce jour. « L’objectif est d’arriver à 100 % dans quelques années », précise Samir Aboulala qui, lui, ne roule qu’au gaz. « J’ai été formé pour cela et, avec tous les kilomètres que j’avale chaque jour, cela fait quand même du bien de me dire que je pollue moins ».
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