Le mouvement Extinction Rebellion exige la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre et l’arrêt de la destruction des écosystèmes. Adeptes de désobéissance civile, ses militants veulent réveiller les consciences par des actions non violentes. Comme celle de ce samedi 25 janvier, à Toulouse.
©PSLe ciel est dégagé et la température douce pour une matinée de janvier. La météo convient parfaitement à l’action du jour d’Extinction Rebellion. C’est la troisième pour Noémie, 22 ans, étudiante en graphisme. Le 5 décembre dernier, elle avait participé à un Die in au Museum de Toulouse et s’était effondrée sur le sol, avec plusieurs dizaines d’autres militants, à plusieurs reprises, « toutes les 17 minutes exactement. C’est le temps qu’il faut pour qu’une espèce disparaisse de la surface de la Terre », annonce-t-elle. Lors du Black Friday, elle avait également pris part à une distribution d’objets aux passants, devant le magasin Primark, « une façon de contrebalancer l’esprit de surconsommation, de proposer une alternative. »
Aujourd’hui, c’est au croisement stratégique du boulevard de Strasbourg et des allées Jean-Jaurès que le spectacle aura lieu. En un instant, ils sont une quarantaine de rebelles à investir l’espace de leurs barrières de chantier, leur énorme enceinte, leurs drapeaux à l’effigie du mouvement — un sablier englobé par la Terre, symbole de l’extinction de masse — et leurs banderoles avertissant de l’effondrement en cours. « Auprès de ces gens, je peux parler de l’écroulement de notre société sans être prise pour une folle », glisse Noémie.
« L’inaction me fait du mal : je suis ici parce que ça me fait du bien »
Né il y a à peine plus d’un an au Royaume-Uni, XR, de ses initiales anglo-saxonnes, comptait déjà, officiellement, à la fin de l’année dernière, plus de 100 000 membres dans plus de 70 pays et des centaines de groupes locaux actifs. Pour en faire partie, il suffit d’adhérer à ses principes, déclinés en une dizaine de valeurs et quatre revendications, parmi lesquelles « la réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre, l’arrêt de la destruction des écosystèmes, la création d’une assemblée citoyenne garante d’une transition juste et équitable ». Ensuite, c’est sur un vaste forum interne que les décisions se prennent, les actions s’inventent, les rendez-vous se fixent, sans chef ni hiérarchie.
La pièce qu’interprètent les rebelles dure un quart d’heure : quatre narrateurs se relaient pour présenter les douze mois à venir, incarnés par autant de figurants déguisés qui tombent sur la chaussée, les uns après les autres.
Avec sa passoire sur la tête et sa blouse blanche, juillet préfère rester anonyme : « Vous voyez que nous sommes tout gentils, des gens bien, loin de l’image de sanguinaires que matraquent les médias. » L’homme, la cinquantaine grisonnante, est ingénieur à Météo France et très pessimiste : « J’estime que c’est plié, foutu. Alors, face à cela, certains se réfugient dans la consommation, dans les réseaux sociaux ou dans la solitude. Moi, l’inaction me fait du mal : je suis ici parce que ça me fait du bien. »
« Prôner le soin de soi, des autres et de son environnement »
À 10 heures 10, quelques minutes seulement après que la saynète a débuté, un véhicule de police arrive devant le métro Jean-Jaurès, sirène hurlante. Fausse alerte : s’il force le barrage, c’est pour poursuivre son chemin, à toute berzingue, sans doute vers des infractions plus graves.
©PSctionCar lorsqu’ils bloquent la circulation ou envahissent des bâtiments emblématiques, les rebelles sont toujours pacifistes. « Désobéissance civile et non-violence vont de pair. L’idée est de construire un rapport de force qui grandit tranquillement, en sensibilisant la population à l’écologie politique, au municipalisme libertaire ou à l’anarchie », explique Vincent, 32 ans, animateur social qui a été mis au courant de l’urgence climatique il y a dix ans, en assistant à des conférences gesticulées. « Prôner le soin de soi, de la communauté et de l’environnement : j’ai trouvé chez Extinction rébellion des valeurs qu’il n’y a pas forcément dans les autres mouvements militants toulousains ». ANV Cop21, Les désobéissants, le collectif Urgence Climatique Toulouse, ceux qui veulent descendre dans les rues de la ville Rose n’ont que l’embarras du choix et cumulent souvent les adhésions. Comme Zéphir, un étudiant de Sciences-Po de 19 ans, issu des rangs de Youth for Climate, qui marche derrière Greta Thunberg : « Je souffre d’écoanxiété, de la peur de la fin du vivant, de ne pas avoir d’avenir. Mais je suis aussi persuadé qu’on va s’en sortir, que la prise de conscience peut entraîner un changement profond du système. Sinon je ne serais pas là. »
On entend alors l’hymne, qui vient conclure chaque spectacle du groupe. Une série de couplets scandés et répétés en cœur : « Nous sommes la rage, fille de l’amour, la vie qui reprend le dessus, le sursaut, l’insurrection, l’alternative, l’évolution… » Un chant entonné dans de nombreuses villes de France, œuvre de Camille, un comédien de théâtre de rue, professionnel du militantisme, qui a initié l’antenne toulousaine de XR. « Je me bats pour que les conséquences de l’effondrement soient le moins dégueulasses possible, pour limiter la casse. Et ça vaut le coup, parce que des millions de vies humaines sont en jeu. »
Commentaires