Parmi les maux qui menacent notre époque, la pollution numérique passerait presque inaperçue. C’est pourtant le secteur dont l’empreinte environnementale progresse le plus. Et le plus vite. Au point que la communauté scientifique tire la sonnette d’alarme. Certains des plus éminents experts français du sujet viendront en débattre, ce jeudi 7 novembre, à la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse. Ils ont des solutions concrètes pour une consommation numérique plus sobre et plus écolo. Le JT en a téléchargé quelques-unes pour vous.
En 2019, l’univers numérique est constitué de 34 milliards d’équipements pour 4,1 milliards d’utilisateurs, soit 8 appareils connectés pour chacun d’entre eux selon l’étude que vient de publier GreenIT, une communauté d’acteurs du numérique responsable. « Entre 2010 et 2025, la part de ce secteur dans l’empreinte environnementale de l’humanité aura triplé, passant de 2 à 6 %, au-delà de celle de l’aéronautique. C’est une progression exceptionnelle et inquiétante », débute Frédéric Bordage, fondateur du collectif.
« Une progression exceptionnelle et inquiétante »
1 400 millions de tonnes de gaz à effet de serre, 6 800 térawatts-heure d’énergie fossile, 7,8 millions de mètres cubes d’eau douce… Les principales sources d’impacts écologiques sont la fabrication des terminaux, leur consommation électrique, ainsi que celle des centres informatiques et du réseau.
Ce qui préoccupe davantage encore l’expert indépendant est l’épuisement des ressources nécessaires à l’élaboration des équipements, qui contiennent toute une série de minerais et de métaux rares, comme par exemple l’antimoine : « Ses réserves mondiales seront vides d’ici 4 à 12 ans, selon les études. De même, au rythme actuel, il n’y aura plus d’argent ou d’étain disponibles d’ici 25 ans. Autrement dit, il ne reste à l’humanité qu’une seule génération de numérique. Et nos petits enfants ne s’enverront des mails qu’en cas de situation critique », prévient Frédéric Bordage, jugeant donc intenable notre consommation d’octets, qui double chaque année à la faveur de l’explosion de la vidéo en ligne et des objets connectés, de la sophistication du matériel et des logiciels.
« Il ne reste à l’humanité qu’une seule génération de numérique »
« Il faut agir le plus tôt possible pour anticiper la fin du numérique, au risque de sombrer dans le chaos. Car notre société est complètement dépendante », rappelle le spécialiste, un des premiers, il y a quinze ans, à avoir proposé des solutions low-tech et prôné la sobriété dans son domaine.
Celle-ci ne pourra pas être mise à l’ordre du jour, selon Vincent Courboulay, directeur scientifique de l’Institut du numérique responsable (INR) et maître de conférences à l’Université de La Rochelle, « tant que les géants du secteur continueront de s’adresser à nos instincts primaires plutôt qu’à notre intelligence, tant que leur objectif sera de nous faire consommer toujours plus ».
Ce spécialiste constate toutefois, au sein de la population, un début de prise de conscience des enjeux liés à la raréfaction des ressources informatiques : « Nous arrivons au terme de ce que j’appelle nos Trente glorieuses, un univers numérique open-bar. Nous avons brûlé la chandelle par les deux bouts et nous nous réveillons la bouche pâteuse. Il va falloir changer d’hygiène de vie et désormais regarder plus loin que le bout de son clic. » Une tâche d’autant plus colossale qu’elle est urgente, pour Frédéric Bordage : « Ce qui est en train de se passer est très stimulant intellectuellement, cela nous oblige à innover et penser un monde différent. »
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