Lorsqu’on est parent solo, certaines situations peuvent mettre en péril le bien-être et le développement de l’enfant. Pascale Fiori, assistante sociale à la Maison des solidarités de Bagatelle à Toulouse, fait le point sur les principaux écueils.
© Pexels – PixabayQuel impact peut avoir une famille monoparentale sur le développement d’un enfant ?
La monoparentalité n’est absolument pas un problème en soi et beaucoup de parents solos s’en sortent très bien. Mais c’est une situation qui rend les familles plus vulnérables quand elle est associée à d’autres formes de précarité. Il y a, par exemple, une grande différence entre un divorce, même conflictuel, ou le décès de l’un des deux parents qui induit des impacts psychologiques. Dans les cas qui présentent le plus de difficultés, c’est presque systématiquement la posture adoptée par le parent qui est en cause.
Quels sont les principaux enjeux sur le plan affectif ?
Un deuil est toujours compliqué à faire. Que ce soit celui d’un parent décédé ou, simplement, du modèle de la famille heureuse. Ainsi, une séparation peut s’avérer bouleversante pour un enfant qui risque, entre autres, d’éprouver un sentiment d’abandon. En effet, il arrive que certains fassent un amalgame et s’imaginent que celui qui est parti s’est également séparé d’eux. Ils en viennent alors à douter que celui-ci les aime encore.
Dans le cas du décès du conjoint ou d’une rupture mal-vécue qui déboucherait sur un épisode dépressif, l’enfant peut chercher à épargner le parent en difficulté et à lui causer le moins de soucis possible. Il se met alors dans une posture d’effacement qui peut avoir des conséquences physiques et comportementales : anorexie, boulimie, addiction…
Toutefois, cette fragilité du parent peut se traduire par la réaction opposée. L’enfant multiplie alors les bêtises pour attirer l’attention et rappeler son existence à un papa ou une maman trop absorbé par ses propres souffrances. Cela se manifeste en général par des difficultés scolaires ainsi que des troubles du comportement ou de l’attention.
Le fait de se construire au sein de deux foyers différents peut-il perturber un enfant ?
Il y a une question terrible qui consiste à demander à un enfant s’il préfère aller chez son père ou sa mère. Cela le confronte à ce que l’on appelle le conflit de loyauté. Il est important qu’il soit autorisé à aimer pleinement chacun de ses parents, et cela même en présence de l’autre.
Ce qui est le plus grave, c’est quand un enfant devient le messager de parents qui ne se respectent plus. Ces derniers lui demandant de prendre parti ou d’adopter une posture de témoin des griefs envers l’autre. L’enfant est rendu prisonnier d’une relation conflictuelle qui ne devrait pas le concerner. Plus celui-ci est jeune, plus il se construit avec ces tensions qui peuvent avoir un impact sur son développement affectif et psychique. Une perte de sommeil, une chute des notes à l’école ou un comportement bagarreur sont des signaux qui doivent éveiller l’attention. À long terme, c’est sa capacité à entretenir des relations saines et sereines qui peut-être mise en péril.
L’enfant est-il nécessairement coincé entre papa et maman ?
La séparation peut entraîner une rupture dans le consensus parental et plonger l’enfant au sein de divergences éducatives. La cohabitation de ces différents fonctionnements peut le désorienter. Surtout dans le cas d’une situation déséquilibrée entre une figure laxiste, en général incarnée par le père, et le rôle plus autoritaire dévolu à la mère.
Certains enfants en jouent et se convertissent un peu en bourreaux, en comparant systématiquement leurs parents. Ces derniers sont alors désemparés et peuvent culpabiliser ou ne pas se sentir à la hauteur. Si l’enfant croit en tirer profit ponctuellement, ce marchandage affectif s’avère très préjudiciable à long terme.
À l’inverse, l’enfant peut-il souffrir de l’absence de l’une des deux figures parentales ?
La question va être très différente selon qu’il s’agisse d’un décès ou d’une rupture. Mais dans tous les cas, à moins que le contexte familial soit particulièrement frappé par l’isolement social, l’enfant trouve toujours des modèles de substitution : un oncle, le grand-père, un éducateur, etc.
Au contraire, le danger viendra plutôt des parents qui croient devoir pallier les manques et finissent par être excessivement présents ou par sacrifier leur propre vie affective et professionnelle. Cette attitude donne indirectement à l’enfant une responsabilité qui ne lui revient pas et risque d’entraîner, chez lui, un sentiment de culpabilité qui va, en général, se manifester à retardement.
Certains parents vont également avoir tendance à sur-impliquer les enfants dans leurs prises de décision. Que celles-ci soient éducatives ou liées à leurs choix de vie.
Au point que l’enfant peut se retrouver dans un rôle qui n’est pas le sien ?
Les enfants font preuve de capacités d’adaptation extraordinaires. Mais celles-ci peuvent se retourner contre eux au point de les pousser à endosser des rôles qui ne sont pas les leurs. Au risque de devenir une ‘’variable d’ajustement’’ de la situation au sein du foyer. En effet, les enfants ont envie que leurs parents aillent bien. Ils vont alors s’investir dans le bien-être de celui-ci et adopter un rôle protecteur qui n’est pas le leur.
Et de se sentir responsable ou coupable ?
Dans les cas où le parent qui a la garde est en difficulté, l’enfant peut avoir tendance à vouloir le protéger et à se “parentaliser”. Ce sont des cas que l’on observe surtout chez les adolescents et les jeunes ados. Concrètement, ceux-ci sont amenés à prendre en charge des questions administratives. Ils s’occupent, par exemple, de faire les déclarations à la Caf. Certains finissent par acquérir une maîtrise incroyable des organismes institutionnels. Mais ce type de situation débouche fréquemment sur de l’absentéisme scolaire, quand les horaires d’ouverture des guichets coïncident avec les heures de cours, et un manque de sommeil.
S’ils font preuve de beaucoup de maturité et d’autonomie, cette inversion des rôles peut provoquer des dégâts terribles en les privant de leur vie d’enfant. Ce sens des responsabilités qu’ils cultivent complique le travail consistant à les ramener à des préoccupations de leur âge.
Ce sont des schémas que l’on retrouve souvent au sein des fratries. Les plus jeunes vont considérer le plus grand des frères et sœurs comme le référant éducatif. Ce qui peut engendrer de sérieux conflits, parfois masqués, car le parent se sent dépossédé. Les parents se plaignent d’insolence ou d’attitude rebelle, alors que le fond du problème est celui de la confusion des rôles.
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