Si les scénarios envisagés par le Giec rappellent parfois ceux des films-catastrophes (lien vers papier culture), les solutions avancées par les géo-ingénieurs nous plongent, elles, dans un univers proche de la science-fiction. Puits de carbone, opacification de l’atmosphère… La technologie peut-elle nous sauver ?
CC 2.0 by Nicolas Duprey« La géo-ingénierie n’est pas une discipline, mais l’ensemble des techniques et des technologies qui permettent d’intervenir sur le système climatique pour contrecarrer le dérèglement et ses effets. C’est un sujet d’étude qui peut être abordé par différentes spécialités », définit Olivier Boucher, climatologue et directeur de recherche à l’Institut Pierre-Simon Laplace. Certaines approches pouvant être locales, par la modification des surfaces cultivées, ou globales dans les cas de la gestion du rayonnement solaire ou de la captation du carbone. Des propositions loin d’être fantaisistes, mais encore à l’état de projet.
« Certaines techniques de gestion du rayonnement solaire permettraient d’obtenir des résultats rapides et de baisser les températures en quelques années », précise l’expert qui juge crédible l’idée de diffuser des aérosols (fines particules en suspension) dans la stratosphère.
Grâce à leur pouvoir réfléchissant, ces composés chimiques réduiraient de fait le rayonnement solaire, qui viendrait contrecarrer le réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre d’origine humaine. « Il n’y a pas de barrière technologique fondamentale, mais il faudrait a minima un programme de développement de une ou deux décennies pour une mise en œuvre à grande échelle », estime le chercheur.
« Nous pouvons imaginer refroidir ainsi de un ou deux degrés notre atmosphère. Mais nous ne sommes pas dans le cas d’une compensation exacte. Il est impossible de revenir à l’état climatique antérieur. Par exemple, nous ne retrouverons pas les régimes de vents ou de précipitation préindustriels », détaille Olivier Boucher.
Autre inconvénient majeur : le caractère provisoire d’une telle solution. « Les particules ne restent pas longtemps dans l’air. Le jour où nous arrêtons, nous serons confrontés à un effet de rattrapage », avertit Olivier Boucher. En moins d’une décennie, les températures grimperaient pour atteindre le même niveau que si aucune action n’avait été engagée. Une mesure qui reviendrait donc à se contenter de placer un garrot sur une hémorragie. « Il faudrait associer cette solution à des techniques de captation du Co². Sinon, même avec des émissions réduites à zéro, sa concentration dans l’atmosphère diminuerait trop lentement et cela nous contraindrait à disperser ces aérosols pendant des siècles. Et il faut auparavant accompagner ces projets d’une transition énergétique », ajoute le chercheur.
C’est donc aussi du côté du cycle du carbone que les géo-ingénieurs cherchent. « L’une des solutions consiste à utiliser la biomasse (l’ensemble du vivant, ndlr) comme lieu de stockage du carbone. C’est le principe de la reforestation. Mais c’est un processus très lent et au potentiel relativement faible », juge Olivier Boucher. Même problème avec la fertilisation des océans qui, en plus d’être « lente et peu efficace », s’accompagne du « risque de modifier l’équilibre des écosystèmes marins ».
Il reste donc les méthodes dites de captation directe. Des techniques industrielles de puits de carbone à base de solvants. « On fait entrer l’air en contact avec des produits chimiques qui réagissent avec le dioxyde de carbone et permettent de le fixer. Il peut ainsi être stocké sous forme de gaz concentré ou injecté dans des roches », décrit le scientifique. Une solution dont le principal frein réside dans le coût de sa mise en œuvre. Actuellement autour de 1000 € la tonne. Un prix qui pourrait être divisé par dix dans les prochaines années. « C’est une méthode qui requiert beaucoup d’énergie. Il faut impérativement que celle-ci soit décarbonée », rappelle-t-il.
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