Justine Bergounhon n’a que 21 ans et déjà trois ans de militantisme derrière elle. Elle est entrée à la Ligue des droits de l’Homme pour combattre le sexisme et les violences policières. Par urgence.
® Franck AlixJustine Bergounhon a un temps d’avance. Avant même qu’éclate l’affaire Weinstein, elle militait déjà contre le harcèlement sexuel et le sexisme, avec la Ligue des droits de l’Homme. Encore lycéenne, tracts en main, elle allait à la rencontre des usagers des transports en commun. « Je voulais faire avancer les choses sur ces causes. Moi-même, en tant que femme, je ne me sentais pas entendue. » Trois ans plus tard, c’est auprès des plus jeunes qu’elle s’investit : « On ne parle pas suffisamment de ces sujets au collège et au lycée. Les séances d’éducation sexuelle, durant les cours de sciences et vie de la terre, n’entrent absolument pas dans les détails. »
« En tant que femme, je ne me sentais pas entendue »
La jeune femme a pour projet de lancer un observatoire du sexisme au sein des établissements scolaires. Certes, la parole s’est libérée et les initiatives se multiplient en la matière, « mais cela ne va pas assez vite et loin ». « Surtout, on a tendance à prêcher des convaincus, alors qu’il faut au contraire en parler à ceux qui ne se sentent pas concernés. Je pense que tout passe par l’éducation. »
Justine Bergounhon a été nourrie de valeurs de gauche dès sa plus tendre enfance, par sa mère qui travaille dans la culture et par son père dans le social. Sa première manif remonte à 2010, contre la réforme des retraites du gouvernement de François Fillon. « On en parlait peu à l’école et beaucoup à la maison. J’étais la seule dans ma classe à avoir un mot d’excuse de mes parents pour aller défiler ! » Et c’est tout naturellement qu’elle est devenue leader dans les cortèges, quelques années plus tard, « heureuse de pouvoir mener un combat avec des gens de [son âge] ». « On se l’approprie davantage », estime-t-elle.
« J’étais la seule dans ma classe à avoir un mot d’excuse de mes parents pour aller défiler ! »
Choquée par les images de violences diffusées lors des manifestations réprimées contre la loi Travail, elle a été l’un des premiers membres de l’Observatoire des pratiques policières, créé à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme, en mars 2017. Elle a ainsi méticuleusement recensé les heurts qui ont eu lieu en marge de défilés toulousains, jusqu’à ceux des Gilets jaunes : « J’ai pu constater au fur et à mesure une véritable escalade de la violence, y compris envers la presse. La chasuble et le brassard que nous portons, censé signifier notre neutralité, sont désormais pris pour cible par la police. J’ai d’ailleurs décidé d’arrêter ce rôle d’observateur indépendant, parce qu’à force, toutes les semaines, cela devenait trop anxiogène. »
D’autant que, par ailleurs, Justine Bergounhon n’est pas désœuvrée. La jeune femme vient de débuter une première année de master en anthropologie à l’université Toulouse Jean-Jaurès. « C’est l’étude de la diversité sociale et ethnique, de la réalité du vivre ensemble. Une science pour mieux nous comprendre. Elle nous montre qu’il faut s’adapter en permanence, au risque de disparaître. C’est exactement le défi auquel notre société doit aujourd’hui faire face. »
Voilà qui, selon elle, justifie le fait que sa génération soit passée à l’action et s’engage davantage que les précédentes : « L’urgence de la situation explique cela. Il y a un cri d’alarme global des jeunes, qui veulent être enfin écoutés et qui s’emparent de leur avenir. »
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