Les difficultés liées à la monoparentalité ont été remises en lumière par le mouvement des Gilets jaunes, dont les rangs étaient composés de nombreux parents isolés et en colère. Le phénomène, multiforme, fragilise principalement les femmes.
©CCOLa définition la plus communément retenue d’une famille monoparentale est celle de l’Institut national de la statistique (Insee) : il s’agit d’un foyer qui « comprend un parent isolé et un ou plusieurs enfants célibataires (n’ayant pas d’enfants) ». Sur cette base, près d’un quart des familles françaises sont aujourd’hui monoparentales. Mais la notion est fluctuante : à l’échelle européenne, l’âge limite supérieur des enfants dits « à charge » varie en fonction des pays. Et, en France, le nombre des parents isolés enregistré par la Caisse d’allocations familiales, qui leur distribue des aides, est différent de celui recensé par l’Insee, les deux institutions ne prenant pas en compte les mêmes paramètres.
Voilà qui illustre un phénomène aux multiples facettes, selon que l’on soit veuf, séparé, divorcé, en garde alternée, avec un conjoint non cohabitant, etc. « On n’entre pas dans la monoparentalité comme on entre en religion. Les situations évoluent sans cesse », confirme Claude Martin, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire Enfance, bien-être, parentalité, de l’École des hautes études en santé publique (EHESP).
Il s’intéresse à la question depuis près de 40 ans : « Le phénomène a explosé dans les années 1970 et continue d’augmenter, car les structures familiales sont de moins en moins linéaires (notamment avec la hausse du nombre de séparations et de divorces, ndlr). Le mouvement des Gilets jaunes a remis en lumière ces situations pour les médias ». Nombreux ont été, en effet, sur les ronds-points, les témoignages de ces mères qui, bien qu’ayant un emploi, ne parviennent pas à joindre les deux bouts.
Car les femmes sont en première ligne : elles représentent plus de huit parents solo sur dix et doivent souvent faire face à la précarité. « Elles connaissent depuis une vingtaine d’années une dégradation de leur situation professionnelle à cause des évolutions du marché du travail. Ce sont toujours les plus faibles qui en sont les premières victimes », explique Claude Martin. Le rythme imposé aux parents isolés, contraints de faire des doubles journées et l’absence de revenus complémentaires, les rendent d’autant plus vulnérables économiquement.
Dans son ouvrage Être un bon parent, une injonction contemporaine, aux Éditions de l’Ehesp, (https://www.presses.ehesp.fr/produit/etre-un-bon-parent/) Claude Martin insiste sur la nécessité de les déculpabiliser : « La société rend les parents et en particulier les monoparents responsables des performances et des échecs de leurs enfants. C’est une manière de nous défausser d’une responsabilité collective.
Nous ferions mieux de leur faciliter la vie par des politiques publiques appropriées. » Comme celles que proposent les membres du Laboratoire de l’égalité.
En attendant, des associations, telles que les Parrains du cœur ou La maison des familles de Toulouse prennent le relai de l’État pour venir en aide aux parents isolés. Et ceux-ci se regroupent, via des réseaux sociaux, pour habiter sous le même toit, voyager ou simplement faire des rencontres.
Enfin, les conséquences pour les enfants peuvent être nombreuses, absence de modèle paternel ou maternel, sentiment d’abandon, voire échec scolaire… « Mais c’est moins grave pour eux que s’ils devaient vivre dans le conflit. Les études montrent qu’un climat de désamour, de violences verbales ou physiques est bien plus dévastateur qu’un divorce », conclut Claude Martin.
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