Nouveau ”mal du siècle”, le burn out fait de plus en plus de victimes. La clinique psychiatrique Marigny y consacre même une unité spécialisée et a lancé un programme thérapeutique dédié à ce trouble psychique lié au travail.
®Franck AlixSur les coteaux, à douze kilomètres de Toulouse, Saint-Loup-Cammas domine la vallée de la Garonne et la Ville rose. Là, la grande et vieille bâtisse des comtes de Marigny, située à l’orée d’un parc arboré de sept hectares, abrite désormais la clinique psychiatrique du même nom. Un cadre apaisant pour les patients de l’établissement, accueillis dans les différentes unités. Toutes baptisées du nom d’une constellation. Au détour d’un couloir, l’unité Cassiopée, spécialisée dans le traitement de la dépression et du burn out.
Depuis juin 2018, un programme spécifique y a vu le jour : une thérapie permettant la prise en charge des personnes en état d’épuisement physique, émotionnel et mental extrême lié au travail.
« Elles nous sont dirigées par la médecine du travail, des médecins traitants, ou à la suite de consultations internes de notre psychiatre », explique Angélique Sanchez qui instruit les dossiers, avant de les transmettre au docteur Corentin Cambonie, référent de l’unité. « J’évalue, lors d’un entretien, leur état et leur disponibilité car ces facteurs peuvent être un frein à la thérapie », précise le psychiatre. En effet, ce suivi est essentiellement basé sur la dynamique de groupe, composé de six à huit personnes, qu’une trop grande dépression pourrait mettre à mal. Ils doivent également être capables de supporter un travail intensif sur eux-mêmes, le dispositif étant planifié sur onze semaines, à raison de deux demi-journées hebdomadaires.
Christophe*, 37 ans, répondait à ces critères et a pu intégrer le programme en septembre dernier. « Au début, je ne voulais pas y croire », confie-t-il. Pourtant le diagnostic de son généraliste est sans appel : « Vous faites un burn out ! » Un trouble psychique qu’il accepte au fur et à mesure de la thérapie. « Lors des séances de groupe, certains participants sont parvenus à mettre des mots sur des sentiments que j’éprouvais, mais que je n’arrivais pas à verbaliser. C’est comme cela que j’ai compris ce dont je souffrais », se souvient ce jeune technicien de maintenance industrielle. « C’est souvent durant les ateliers en groupe, dits de psychoéducation, que le déclic a lieu. On y identifie les causes du mal-être et leurs impacts sur la vie professionnelle et privée. On y explique ce qu’est un burn out », précise Marie Roche, infirmière référente de la thérapie.
Cette dernière mène également des “ateliers émotion” où, sous la forme d’un jeu de société, elle permet à ses patients « d’évacuer le trop-plein de sentiments qui les oppressent, de vider leur sac ». Un soulagement pour Christophe, qui s’est alors surpris à identifier des émotions qu’il ne soupçonnait pas : « Une heure avant, je ne savais pas ce que j’éprouvais, et une heure plus tard, je m’apercevais que je le ressentais depuis longtemps. » Cette mise à nu doit être encadrée car, comme le souligne froidement Christophe : « Quand les choses commencent à se préciser, on prend tout dans la gueule ! » Et parfois, les patients s’écroulent.
« Les participants réapprennent à avoir confiance en eux, à communiquer avec les autres »
D’où l’importance des séances du docteur Kévin Chassangre, psychologue libéral, qui intervient tout au long du dispositif, et qui travaille sur l’affirmation de soi. « Les participants y réapprennent à avoir confiance en eux, à communiquer avec les autres », note Marie Roche. Un cours qui a permis à Christophe d’oser dire “non”. Selon lui, c’est en partie ce qui a précipité son mal-être. Chef d’équipe, il a accepté toujours plus de travail, jusqu’à se rendre disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. « J’étais appelé en permanence, je ramenais du boulot à la maison. Et lorsque mes enfants ont commencé à me reprocher de ne plus me voir, je répondais qu’il n’y en avait pas pour longtemps », confesse-t-il. Une situation devenue anxiogène, mais qu’il a laissée perdurer jusqu’à ce que son entreprise lui propose pour toute aide, une rupture conventionnelle. Un manque de reconnaissance qui déclenche chez lui le premier stigmate physique de son burn out : une paralysie temporaire.
Pour son psychiatre, le docteur Cambonie, la priorité est que son patient puisse se reconstruire. « Les personnes qui subissent un burn out ne savent plus qui elles sont et perdent leur énergie à lutter contre leurs angoisses. Par anxiété, elles évitent même des situations qui pourraient leur être bénéfiques. L’objectif est donc de leur apprendre à se recentrer sur l’ici et le maintenant, sur ce qui est important pour eux. Pour redonner sens à leur vie. » Le médecin utilise pour cela la méditation de pleine conscience. Spécialiste de cette méthode intégrée au programme de la clinique Marigny, il conseille aux participants de la poursuivre, même après la fin de la thérapie.
Christophe, qui a terminé la sienne il y a quelques jours, a choisi le docteur Cambonie pour assurer son suivi psychologique. « Je ne me sens pas encore assez fort pour retravailler, j’ai besoin de consolider et d’assimiler tout ce que j’ai appris », conclut-il. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il restera à l’écoute de ses envies, de ses priorités et qu’il saura les respecter.
*Le prénom a été modifié
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