La notion de sexisme ordinaire est entrée en 2015 dans le Code du travail, mais elle n’a fait l’objet d’aucun jugement à ce jour. Pour Brigitte Grésy, secrétaire générale du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte passe notamment par la formation.
@DR80 % des salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes, avec des répercussions sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail, selon une étude du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Un sexisme ordinaire qui a fait une entrée peu remarquée le 17 août 2015 dans le Code du travail, sous le nom d’agissement sexiste, « défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Mais, à ce jour, cette nouvelle pièce de l’arsenal juridique en la matière n’a donné lieu à aucun jugement : « L’évolution est forcément très lente et nous n’avons pas d’instrument pour la mesurer précisément. C’est pourquoi il est question de mettre en place un baromètre du sexisme en entreprise », fait savoir Brigitte Grézy, secrétaire générale du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Réflexion liée au physique, marque d’incivilité ou de mépris, le phénomène est polymorphe : « Ne pas donner la parole à une femme durant une réunion, lui couper la parole plus qu’à un homme, lui expliquer les choses comme si elle avait trois ans… Tout ça est typique du monde de l’entreprise », rapporte l’experte. « Il y a aussi les injonctions contradictoires, comme : “Tu y vas comme un homme, mais tu mets une jupe”. Ou la bienveillance paternaliste : “Toi qui es intuitive, tu vas y arriver…”, qui infériorise et recrée une division sexuelle des tâches. La femme est délégitimée dans sa carrière professionnelle, c’est une forme d’exclusion », tranche Brigitte Grézy.
Elle est l’auteure, entre autres, d’un recueil intitulé “Le sexisme au travail, fin de la loi du silence ?” publié en février 2017 aux éditions Belin, quelques mois avant qu’éclate l’affaire Weinstein et que renaisse le mouvement Me Too, « Un révélateur extraordinaire du phénomène au sein des organisations de travail, une mise en visibilité sans précédent », se félicite-t-elle.
Il ne reste plus qu’à agir. « Cela passe par la formation des DRH et des managers, des salariés eux-mêmes et de leurs représentants. » Tous les moyens sont bons pour sensibiliser : affichage, moocs, vidéos, théâtre, sorties, etc. De même, un document définissant ce qui relève du sexisme ordinaire doit être diffusé au sein de l’entreprise. Un kit élaboré par le Conseil supérieur pour l’égalité professionnelle peut aider à le rédiger. « Une cellule d’écoute peut aussi être mise en place pour les victimes », ajoute Brigitte Grézy.
L’employeur est dans l’obligation de prendre des mesures de prévention des risques pouvant affecter la sécurité et la santé des salariés. Si elle est avérée, une discrimination fondée sur le sexe peut être punie par trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
BIOGRAPHIE DE BRIGITTE GRESY
Inspectrice générale honoraire des affaires sociales et secrétaire générale du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, Brigitte GRESY est l’auteure de plusieurs livres, dont “Le sexisme au travail, la fin de la loi du silence?”, publié en 2017 aux éditions Belin.
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