Avec un revenu au lieu de deux dans un ménage, le lien entre monoparentalité et précarité est forcément mathématique. Mais à cette évidence, s’ajoutent de multiples répercussions qui rendent la situation encore plus compliquée sur le plan économique, comme l’explique le sociologue Gérard Neyrand.
Bénéficiant d’un niveau de vie médian inférieur de 30 % à celui des couples avec enfants, les foyers composés d’un seul adulte représentent près d’un quart de la population pauvre en France. « Un tiers des familles monoparentales vivent en dessous du seuil de pauvreté alors que la moyenne nationale est de 15 %, soit plus du double », appuie Gérard Neyrand, sociologue, professeur émérite à l’université Paul-Sabatier. Une situation pas simplement due à l’évidence que ces ménages n’ont comme ressources que les revenus d’une seule personne. Mais aussi au fait que dans la très grande majorité des cas, la personne en question est une femme.
En moyenne plus souvent confrontées à l’inactivité ou au temps partiel, moins bien rémunérées, ces dernières subissent encore plus durement la précarité qui découle naturellement du fait d’élever seul un enfant. « Quand la résidence habituelle de l’enfant est fixée chez le père, dans environ 12 % des cas, c’est en général parce que celui-ci bénéficie d’une meilleure situation économique. Un homme qui se retrouve en situation de monoparentalité aura donc, de toute façon, tendance à mieux s’en sortir », illustre Gérard Neyrand, qui a coécrit l’ouvrage “Monoparentalité précaire et femme sujet”, suite à une enquête de trois ans.
Ainsi, les femmes paient la séparation au prix fort. Selon une étude de l’Insee en 2015, la perte de leur niveau de vie directement imputable à une rupture est de l’ordre de 20 %, contre 3 % pour les hommes. Un constat aggravé dans les classes populaires où le modèle de fonctionnement familial est resté traditionnel et le travail des femmes perçu comme secondaire. « Au moment où ces dernières se retrouvent en situation de monoparentalité, les difficultés pour retourner vers l’emploi sont encore plus grandes. Il faut concilier le temps nécessaire à la qualification et à l’insertion avec celui de la garde des enfants, c’est très compliqué », observe le sociologue.
À ces problématiques, s’ajoute encore la question du logement. Près de 20 % des familles monoparentales sont dans une situation de surpeuplement, contre 8 % pour l’ensemble de la population. Pour pallier à cet ensemble d’obstacles, les pouvoirs publics ont mis en place différentes mesures de soutiens financiers. Des aides indispensables mais qui, selon Gérard Neyrand, s’avèrent non seulement insuffisantes sur le plan monétaire mais ne prennent pas en compte l’accompagnement global nécessaire.
Car pour le sociologue, la précarité n’est pas uniquement économique. Elle est aussi relationnelle et psychologique. « Nous avons pu observer durant nos travaux, qu’après une séparation, les femmes désormais seules avec leurs enfants ont tendance à se retirer de leurs réseaux sociaux habituels et à se replier sur elles. Ce qui accentue l’éloignement à l’emploi, sans compter les fréquents épisodes de dépression », conclut-il.
Sociologue, professeur émérite à l’université Paul-Sabatier Toulouse 3 et auteur du livre “Monoparentalité précaire et femme sujet” (Éditions Ères), avec Patricia Rossi.
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