Philippe Perrin a beau être le neuvième Français à être parti dans l’espace, son nom ne vous évoque peut-être rien. Installé à Toulouse depuis son retour de la station spatiale internationale dans le cadre d’une mission avec la Nasa en 2002, il s’emploie à redevenir un Terrien comme les autres.
Il fait partie des rares privilégiés en ce bas monde à avoir pris congé de la Terre le temps d’un séjour dans les étoiles. Le 5 juin 2002, Philippe Perrin s’envolait de Cap Canaveral pour une mission de 14 jours dans la station spatiale internationale (ISS), ponctuée de trois sorties extravéhiculaires. Une expérience que le neuvième Français ayant été dans l’espace a vécue de manière intimiste et métaphysique. Comme si elle avait été écrite. Dès son enfance, Philippe Perrin « savait » qu’il serait astronaute.
Il avait 6 ans lorsque les images inouïes du premier alunissage se sont imprimées dans sa tête. Mais ce sont surtout ces heures passées à observer le ciel au Maroc, durant ses retours estivaux dans son pays natal, qui ont forgé cette conviction. « J’étais persuadé qu’un jour, je contemplerais la Terre depuis là-haut, pour comprendre ce que nous faisons là. »
Pour satisfaire cette ambition, il coche soigneusement les cases une à une : Polytechnique pour devenir ingénieur puis l’armée de l’air où il décroche l’indispensable brevet de pilote de chasse. Le téléphone finit par sonner un jour de mai 1996 : « Le patron des astronautes français m’annonçait ma sélection pour un entraînement aux États-Unis avec peut-être un vol à la clé. J’ai bondi de joie toute la nuit et, un mois plus tard, nous nous installions à Houston avec ma femme, alors enceinte », raconte Philippe Perrin.
Six ans après, c’est le grand départ pour ISS, qui se trouvait en phase d’assemblage. L’homme ne garde aucun souvenir de sa première sortie dans l’espace : « J’étais dans un état second, proche de l’inconscience, mon cœur battait si faiblement qu’au sol, ils ont cru qu’il y avait un souci. » Lors de la troisième, il est chargé de réparer le bras robotique de la station. « C’était une période formidable, il y avait tout à construire. La mission à laquelle j’ai participé est l’une des plus belles à avoir existé », raconte-t-il.
Pourtant, elle passe totalement inaperçue en France, les vols habités n’étant plus une priorité nationale. Loin de la folie médiatique vécue par Thomas Pesquet, Philippe Perrin fait son retour dans l’anonymat. « Je suis arrivé à l’aéroport avec ma petite valise, personne ne m’attendait. » À l’image d’un Neil Armstrong, retiré dans son ranch à son retour de la Lune, il va alors mettre un point d’honneur à revenir sur Terre, refusant d’endosser le rôle de VRP de la conquête spatiale pour se protéger. Parlant peu de son expérience, il aime tout de même rappeler son caractère extraordinaire et sa difficulté : la séparation, la promiscuité et la peur, tabou ultime noyé sous un torrent d’humour. Conscient d’avoir touché le Graal, il fait le choix rare de quitter le spatial pour permettre à sa femme de travailler et décide d’atterrir à Toulouse, « ville rebelle et accueillante ».
Devenu pilote d’essai chez Airbus, il cherche, depuis lors, le moyen de donner un écho à son cri pour l’environnement. « Comme tous les astronautes, j’ai physiquement ressenti la préciosité de la vie en observant depuis l’espace cette petite bille qui est notre seul vaisseau. » Il a testé, en vain, la politique. Aujourd’hui celui qui confie « être à un tournant de sa vie », prépare un livre et songe à donner des conférences. Plutôt que de ressasser son passé, Philippe Perrin regarde vers l’avenir. Et rêve de voir Toulouse devenir une vitrine expérimentale de l’écologie, comme elle l’est pour l’espace.
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