Pendant le confinement, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie a continué de suivre ses patients. D’autant plus que l’isolement accentue les comportements addictifs.
À l’annonce du premier confinement, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) a dû radicalement changer ses habitudes. Pour continuer à répondre aux besoins de certains de ses usagers ne pouvant plus se rendre dans des établissements médico-sociaux, les consultations par téléphone et les téléconsultations se sont progressivement généralisées. Quelques entretiens en face à face étant maintenus « pour des raisons impératives de soutien aux personnes ». « Nous ne sommes jamais fermés. Lorsqu’une personne nous appelle et que nous la sentons en danger, nous la faisons venir dans un de nos 13 centres et leurs antennes départementales », confirme Muriel Nivert-Boudou, directrice de l’association en Occitanie, qui compte 185 salariés et suit, chaque année, une dizaine de milliers de patients. Alcool, cannabis, cocaïne, médicaments, mais aussi nourriture, achats compulsifs, jeux de hasard ou écrans… Elle constate une accentuation de toutes les conduites addictives.
Une enquête de l’association, réalisée à l’issue du premier confinement, recense les difficultés rencontrées par les usagers. Ennui, problème relationnel avec la famille ou le voisinage, impossibilité de se déplacer, perte de contacts et de vie sociale… Des maux qui, s’ils ont affecté la majeure partie de la population, ont davantage d’incidence chez les personnes dépendantes. La pénurie de produits illicites a également été très mal vécue par certains. « Au bout de 15 jours, les trafiquants de drogue se sont retrouvés en rupture de stocks. Il y a eu des phénomènes de sevrage violents, notamment pour les consommateurs de cocaïne. Et beaucoup d’usagers ont dérivé vers l’alcool », rapporte Muriel Nivert-Boudou.
Les alcooliques les plus dépendants font bien sûr l’objet de toutes les attentions. « Ils ne peuvent pas arrêter du jour au lendemain et ont besoin d’un accompagnement en cure, puis en post cure. Sinon, ils risquent de faire une décompensation, voire un delirium tremens, et de surcharger un peu plus les hôpitaux », explique Muriel Nivert-Boudou. En partie responsable de l’augmentation du nombre de violences conjugales pendant le confinement, « la consommation d’alcool a aussi progressé chez des personnes qui avait l’habitude d’en prendre pour faire la fête et qui ont trouvé là le moyen de passer le temps. Certains, qui nous contactent pour la première fois, sentent qu’ils sont en train de tomber dans l’addiction », témoigne Karima Koubaa, médecin de l’ANPAA, à Toulouse.
Cette dernière insiste sur l’importance de rester disponible pour les personnes dépendantes. « Elles doivent pouvoir parler de leur problème à quelqu’un, sans honte. Le lien ne doit jamais être rompu », précise-t-elle. C’est ainsi que les équipes de l’association, médecins, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux, chargés de prévention, s’attachent à prendre des nouvelles des usagers régulièrement. Elles leur délivrent quelques conseils pour tenir le coup. « Faire attention à son hygiène de vie, rester en contact avec ses proches, organiser son emploi du temps, prévoir une sortie par jour pour marcher ou faire du sport, lire davantage, assister à des conférences en ligne », propose Karima Koubaa. Celle-ci recommande également aux plus fragiles ne pas trop s’informer auprès des médias, « deux plages par jour suffisent ». Et, pourquoi pas de pratiquer des méthodes de développement personnel et d’estime de soi, comme la méditation. « Autant d’activités enrichissantes pour sortir grandi de cette période ».
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