Face à une agression, notamment d’ordre sexuel, un phénomène psychique en apparence paradoxal empêche toute réaction ou risposte de la part de la victime : la sidération. Violette Kerleaux, psychologue sociale spécialiste des inégalités de genres, nous explique ce mécanisme et ses conséquences.
En termes médicaux, la sidération est l’anéantissement soudain des fonctions vitales sous l’effet d’un choc émotionnel intense. Lors d’une agression, notamment d’ordre sexuel, des mécanismes psychologiques et neurobiologiques exceptionnels se mettent en place chez la victime dans le but de se protéger du traumatisme.
Selon les experts, le phénomène de sidération a lieu lorsque l’intégrité physique ou psychique est menacée, dans des situations anormales, dégradantes, humiliantes ou injustes.
Violette Kerleaux, psychologue sociale spécialiste des inégalités de genres, décrit l’état de sidération, que l’on appelle aussi immobilité tonique (ou “freezing”, geler en anglais) comme « un état involontaire et temporaire d’inhibition en réponse à une situation dans laquelle un individu ressent une peur intense ».
Quand notre intégrité physique est menacée, trois réactions seraient envisagées : “fight, flight, freeze” (“combats, fuis, gèle”), auxquelles Violette Kerleaux ajoute une quatrième : obéir. « C’est ce que j’observe : les individus réagissent simplement en faisant ce qu’on leur demande », parfois en raison d’un lien hiérarchique ou familial.
Selon elle, le mécanisme de sidération serait « encore plus présent lors de violences sexuelles que lors d’autres situations de peur extrême », comme un attentat ou une fusillade.
Violette Kerleaux rappelle que la sidération est un « phénomène adaptatif normal, la majorité des personnes ayant subi des agressions sexuelles réagissent comme ça », assure-t-elle. Cette « réponse neurobiologique à une menace sur l’organisme » est également observable chez les animaux lorsqu’ils savent qu’ils n’ont aucune chance de lutter contre un prédateur. Pour Violette Kerleaux, « il faut donc le considérer comme un mécanisme ”normal” de préservation de l’intégrité ».
Pour illustrer ses propos, elle fait référence à une étude de 2016 menée à Stockholm, en Suède, par AOGS (Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica) sur un échantillon de 298 femmes ayant été violées ; l’étude mettait en évidence que 70 % d’entre elles avaient eu une réaction de sidération (et 48% une réaction de sidération extrême).
« Il est important de bien comprendre cette réaction, à la fois pour des enjeux de justice (où la question du consentement est centrale pour porter un jugement sur la situation) et des enjeux psychologiques (pour mieux prendre en charge les personnes victimes) », précise Violette Kerleaux.
Consultante chercheuse sur les violences sexistes et sexuelles, à travers son laboratoire Purple Lab, Violette Kerleaux propose des interventions et des formations pour accueillir la parole des personnes victimes de violences sexuelles. Selon elle, l’état de sidération engendre un sentiment de culpabilité et de honte chez les victimes : « La reconstruction est plus difficile car les victimes s’en veulent de ne pas avoir réagi ».
Cela peut également rendre problématique le dépôt de plaintes et, pour cette raison, la sensibilisation est essentielle. « Il faut en parler, il faut que ce soit connu, notamment des témoins d’agression et du grand public. Il s’agit aussi de former les professionnels, avocats, juges, policiers sur ce phénomène et surtout, arrêter de culpabiliser les victimes ».
Des croyances qi « minimisent les conséquences d’une violence sexuelle, déresponsabilisent l’auteur et culpabilisent la victime », appelées “mythes du viol”, peuvent intervenir en cas de sidération, au risque que les victimes soient jugées « plus responsables (moins victime) lorsqu’elles n’ont pas essayé de s’enfuir ou de combattre l’assaillant ».
Selon la chercheuse, il n’y a pas de « réactions adéquates » à une violence physique et « nous n’avons pas vraiment le contrôle sur la manière dont nous allons nous comporter si nous sommes victimes d’un assaut ».
Découvrez une vidéo explicative sur la sidération psychique, par Draw my news (pour France Info) :
Sur la chaîne Youtube de la journaliste Marine Périn, retrouvez ses analyses et témoignages autour de la sidération psychique et du harcèlement au travail :
Commentaires
BERNARD le 23/02/2025 à 06:31
Cas exceptionnel : j'ai ete " victime" d'une sideration provoquee par une emotion de joie indescriptible !!