Face aux jeunes en échec scolaire ou sans emploi en France, l’Agence pour l’éducation par le sport se mobilise. L’organisation a mis en place un programme de coach d’insertion par le sport. Le but : ramener des jeunes en difficulté vers le monde du travail grâce à la pratique sportive.
900 000 jeunes se trouvent sans emploi ni formation en France. Un chiffre que l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels) tente de faire diminuer depuis 23 ans. L’organisation œuvre partout en France, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), en vue de favoriser l’insertion des jeunes par le sport. En 2018, elle a créé le métier de coach d’insertion par le sport. « Il s’agit de personnes diplômées des métiers du sport, présentes dans des QPV et qui ont la capacité d’attirer les jeunes dans des clubs », explique Abd Rchouk, responsable national du programme Coach d’insertion par le sport au sein d’Apels.
Entraîneurs de football, basketball, handball, ces chasseurs de têtes d’un autre genre sont actuellement 35, dont 15 dans les Yvelines, 5 à Roubaix ou encore 6 à Marseille. « Ils reçoivent une formation d’une semaine au métier de coach d’insertion par le sport. Ils doivent être capables ensuite, de diriger des séances sportives et des ateliers avec les jeunes pour construire leur projet professionnel. Ils doivent les préparer au monde de l’entreprise et travailler avec eux leur confiance et leur estime d’eux-mêmes », détaille le responsable du programme.
Cette opportunité est réservée à des jeunes âgés de 18 ans ou plus, sans travail ni formation. « Pour rejoindre le programme, ils doivent aimer faire du sport, être motivés pour travailler leur projet professionnel et ne pas avoir de trop lourds soucis de comportement », indique Abd Rchouk. En tout, 250 jeunes ont été accompagnés entre septembre 2019 et mars 2020. 82% d’entre eux sont issus des QPV.
« Au terme de ce premier programme, la moitié des jeunes a obtenu un emploi. 40% d’entre eux ont repris une formation et seuls 10% n’ont rien trouvé », informe le responsable. Chaque programme d’accompagnement dure six mois et se divise en trois phases : la composition du groupe, chaque coach pouvant prendre sous son aile dix jeunes maximum, la construction du projet professionnel du jeune puis la concrétisation des parcours avec des stages à effectuer en entreprise. Un coaching complet avec toujours le sport en fil rouge.
Première femme à avoir été recrutée pour devenir coach d’insertion par le sport, Sana est animatrice de la section féminine du Boxing Club de Roubaix. Sans le savoir, elle préparait déjà les jeunes de son club au marché du travail : « Au sein de notre association, nous avons aidé certains de nos adhérents à trouver un emploi grâce à nos connaissances privées. Mais nous ne pouvions pas tous les aider. L’Apels nous a apporté des outils et un réseau que nous ne possédions pas », révèle-t-elle.
Pour elle, le sport est un véritable tremplin vers le monde du travail. « À la boxe, il faut être rigoureux, vif, assidu. Il faut aussi respecter les règles, bien écouter son coach et l’arbitre. En entreprises, c’est pareil. Il y a des consignes à suivre, on rencontre des embûches, il faut gérer ses émotions, sa frustration et avoir confiance en son manager et ses associés », démontre la coach d’insertion. Le programme a été une réussite pour Sana et les 10 jeunes qu’elle accompagnait. Cinq d’entre eux ont trouvé un emploi, trois ont intégré une formation professionnelle et deux sont retournés à l’école. « Ils ont de la détermination et savent se relever, mais ils ne s’en rendent pas compte. Nous leur montrons qu’ils ont les capacités pour le faire en entreprise », ajoute Abd Rchouk.
Malgré tout, il n’est pas aisé pour ces coachs de redonner les clés du monde de travail à ces jeunes. « Le moindre grain de sable devient rapidement une raison pour tout arrêter. C’est difficile de leur faire garder confiance en leur projet. Ils sont en rupture depuis des années. Ils sont hors du système et n’ont plus les codes de la vie professionnelle actuelle », souligne Romain, éducateur spécialisé et entraîneur dans une équipe de football à Chanteloup, en région parisienne. Un travail sur le langage, la posture, l’hygiène de vie, la santé, la gestion des conflits est alors réalisé auprès des jeunes.
Autre difficulté, les entreprises qui embauchent ne sont pas les plus plébiscitées par les jeunes. « Nous avons approché plus de 500 entreprises dans le BTP, l’hôtellerie, l’agriculture, le service à la personne ou encore les transports. Mais notre travail est aussi d’intéresser les jeunes à ces métiers qui ne les attirent pas de prime abord », précise Abd Rchouk. De son côté, l’Apels est activement à la recherche de nouvelles entreprises et municipalités intéressées par le programme. « J’espère que de nombreuses communes seront séduites par cette méthode. Beaucoup de QPV en ont besoin », conclut Sana.
Héloïse Thépaut
En attendant, des initiatives visant à faire du sport un vecteur d’insertion sociale fleurissent dans toute la France. Et ce auprès de publics très variés. Qu’il s’agisse de football en marchant pour que les personnes âgées puissent garder un lien social, de karaté pour que les femmes victimes de violence se réapproprient leur corps, ou d’athlétisme pour aider les autistes à maîtriser leurs angoisses. Un petit échantillon des nombreux projets que le JT met en exergue dans ce dossier du mois d’octobre.
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