Du 6 au 8 mai dernier avait lieu à Toulouse un événement organisé par l’association Ecclesia Cantic durant lequel était programmé un concert de chants liturgiques à la Halle aux grains et des évangélisations de rue. Sur les supports de communication figure le logo de la Mairie de Toulouse ; de quoi susciter l’interrogation d’élus de l’opposition interpelés par une potentielle participation de la collectivité à « une opération de prosélytisme religieux ».
Le dimanche 7 mai dernier, les jeunes choristes de l’association Ecclesia Cantic donnaient un concert à la Halle aux grains, auquel ont assisté près de 1 200 personnes. Un événement annuel itinérant, qui d’ordinaire se déroule dans les églises et les cathédrales, puisqu’il s’agit d’une représentation de chant liturgique. Mais cette année, les organisateurs avaient décidé de rompre le huis clos et de proposer leur spectacle à tous, dans le but d’attirer le plus de spectateurs possible. Pour cela, un prospectus publicitaire a été largement distribué au centre-ville de Toulouse, annonçant les dates et heures du concert. Flyer, qui est tombé entre les mains de Maxime le Texier, conseiller municipal d’opposition dans la Ville rose.
En le regardant, son œil est immédiatement attiré par un logo, situé en bas, à gauche de la petite affiche, celui de la Mairie de Toulouse. Quoi de plus banal sur le support de communication d’un événement culturel ayant lieu dans la ville ? Sauf que la manifestation en question est plus apparentée à une rencontre religieuse qu’artistique. En témoigne Ecclesia Cantic sur son site Internet : « Le projet phare d’Ecclesia Cantic est l’organisation d’un rassemblement tous les 18 mois autour du chant liturgique. […] Durant un week-end de formation et de mission […] L’évangélisation a une place centrale : envoyées en centre-ville, de petites chorales vont porter la joie de l’Évangile aux habitants et un grand concert ouvert à tous réunit le grand public et l’ensemble des inscrits. »
Alors, Maxime le Texier s’interroge : « L’ampleur du soutien de la Mairie de Toulouse à une opération de prosélytisme religieux pose question. […] » Car, au verso du prospectus, est en effet fait mention « d’une veillée d’adoration et d’évangélisation ». « Une évangélisation de rue au centre-ville de Toulouse », précise même le site Internet d’Ecclesia Cantic.
Le collectif Archipel Citoyen, dont est issu l’élu d’opposition, questionne ouvertement : « Quel soutien financier et matériel de la Mairie de Toulouse ? Disponible pour chaque action de prosélytisme dans l’espace public ? Pour chaque religion ? »
Ecclesia Cantic n’a pas eu à demander d’autorisation à la Mairie de Toulouse quant à ses opérations de prosélytisme dans la rue puisque l‘article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme accorde à chacun « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ». De plus, l’institution précise que « la liberté de manifester sa religion comporte en principe le droit d’essayer de convaincre et de convertir son prochain ». Toutefois, l’association a été contrainte de déclarer ces évangélisations de rue pour “occupation du domaine public”.
De même, la Ville de Toulouse affirme que « cette association n’a bénéficié d’aucune subvention et la Halle aux grains a été louée aux conditions financières habituelles à l’association Ecclesia Cantic pour un concert ». Une simple location de salle municipale donc selon la collectivité qui précise : « Nous veillons à ce que l’égalité des cultes soit respectée en la matière et nous répondons à des demandes de salles ou terrains de la part d’autres cultes. » Adrien Warnan, le coordinateur de l’événement Ecclesia Cantic à Toulouse, confirme qu’aucune demande de soutien financier n’a été adressée à la Mairie. « Nous fonctionnons grâce à des dons et aux concours financiers des participants », précise-t-il. Mais alors, si aucun soutien ni participation n’a été consenti par la Ville pour cet événement, pourquoi le logo de la Mairie apparaît-il sur les affiches ?
Pour les élus du groupe Alternative municipaliste citoyenne (AMC), c’est à cause de la nouvelle charte événementielle mise en place par la majorité depuis le début de l’année. « Par cette charte, la Mairie impose notamment une présence forte du logo de la ville sur tous les supports de communication des événements, qu’ils soient ou non soutenus financièrement par la collectivité, au seul motif que ceux-ci se déroulent sur l’espace public », expliquent-ils. Une affirmation que nuance la Municipalité : « Le logo est apposé lorsqu’il y a mise à disposition d’un espace ou d’un équipement public, un soutien financier ou en nature. Il signale un événement accompagné par la collectivité et son pôle “Événementiel” qui a pour mission de mettre en œuvre et coordonner les événements municipaux, d’assister les organisateurs dans leurs démarches et de veiller au dispositif de sécurité mis en place pour le public pour toute manifestation. » « Le logo de la mairie apposé sur le visuel du concert à la Halle aux grains relevait ainsi d’un geste spontané de la part de l’organisateur », conclut la Mairie de Toulouse.
Organisateur qui justement assure avoir dû signer cette fameuse charte, « puisque la Mairie nous a prêté du matériel (un bac à ordures et 40 barrières Vauban) et que nous avons effectué une déclaration d’occupation du domaine public pour les chants de rue ainsi qu’une déclaration d’occupation d’un établissement recevant du public pour le concert à la Halle aux grains », précise Adrien Warnan. Et donc, avoir du faire apparaître le logo municipal, transmis par les services municipaux, sur ses prospectus pour donner la visibilité imposée par la convention. « D’ailleurs, nous avons fait valider le flyer en question par le service Événement, comme le veut la procédure », se justifie le coordinateur d’Ecclesia Cantic, qui ne pensait pas déclencher une telle polémique lorsqu’il a déposé son dossier il y a un an.
Ainsi donc, si la présence du logo de la Mairie sur les prospectus d’Ecclesia Cantic ne traduit pas un quelconque soutien financier de la collectivité à l’événement, les élus d’Alternative municipaliste citoyenne soulèvent les limites de la charte régissant les manifestations qui ont lieu dans l’espace public. « Cette histoire révèle le caractère excessif de cette charte », déplorent-ils. Que se passera-t-il si le logo de la Mairie figure sur les publicités d’un événement allant à l’encontre des valeurs de la municipalité ? Ou si la présence d’un invité controversé est programmée sur un autre ? L’opposition demandant donc à la majorité « de revoir sa copie dans un exercice global de coconstruction avec le tissu associatif et événementiel de notre ville », afin d’éviter toute sorte d’atteintes à l’image de la collectivité. De son côté, la Mairie reconnaît que « rien ne se créant parfaitement en une seule fois, la charte événementielle peut connaître des évolutions au vu du grand nombre et de la diversité d’événements organisés par différents acteurs ».
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