La capitale historique du soulier prouve qu’elle en a encore sous la semelle. À Romans-sur-Isère, une paire de baskets à base de bouteilles en plastique challenge les codes du sportswear mixte en même temps que l’économie locale.
Au pied du Vercors, la petite ville de Romans-sur-Isère traversée par les eaux des sommets, attire tanneurs et mégissiers dès le Moyen-Âge. Le travail du cuir des élevages de la région devient ainsi la spécialité locale. À partir du XIXe siècle, une solide tradition manufacturière achève de faire de la vallée le bassin prospère d’une industrie de la chaussure florissante. Charles Jourdan, Kélian ou Clergerie font vendre au bout de la planète le soulier de luxe à la française. Puis le vent tourne. La mondialisation ferme les usines et le cuir, peu écologique, n’a plus la cote. Mais, après des années sinistrées, les acteurs de la filière ont su refaire surface.
Romans Cuir est une association d’artisans, dont Patrick Mainguené, créateur de la première sneaker made in France écoconçue, recyclée et recyclable. « C’est essentiel pour nous de réaliser des chaussures à Romans et de le faire en mettant en œuvre des solutions nouvelles de production qui respectent l’environnement », raconte celui qui a lancé la marque Soft’In grâce à une campagne de financement participatif en 2016. « A priori, nous n’étions pas favorables à la matière plastique, mais nos recherches nous ont amenés à ce choix. Car pour être recyclable, la chaussure doit être composée de fibres suffisamment longues. » C’est la technologie du Knit, inspirée de l’industrie de pointe, qui permet de tricoter en une seule pièce la tige de la chaussure avec un fil en polyester de bouteilles plastiques recyclées. Résultat, un bijou de cordonnerie végane, au look urbain et détaché.
En France, 360 millions de paires de chaussures sont jetées chaque année sans être recyclées. « Les fabriquer de A à Z, je sais faire. Avec Ector, j’ai voulu inscrire ce savoir dans une économie circulaire », ajoute Patrick Mainguené. Ancien responsable du développement de grandes marques de sport, il a voyagé en Europe de l’Est et en Asie pour visiter des sites de production comptant parfois jusqu’à 50 000 ouvriers. Les conditions de travail et la quantité de déchets l’ont poussé à imaginer Ector. 100 % plastique au-dessus et caoutchouc pour la semelle : chacun de ses éléments est constitué d’une seule matière, rendant son recyclage optimal. Une fois séparés et broyés, ils pourront servir à la fabrication d’une nouvelle chaussure.
En octobre, Ector a remercié ses financeurs du site de crowdfunding Ulule en prenant à sa charge les frais d’envoi de leurs baskets préférées en fin de vie. « Cela va nous permettre de faire un test grandeur nature de notre recyclage. Par la suite, nous noueront des partenariats avec les points de vente partout en France : vous rapportez votre vieille Ector et vous gagnez des bons d’achat. » détaille l’entrepreneur. Rien d’étonnant à ce que la jeune marque ait été nommée parmi les quinze sneakers les plus respectueuses de l’environnement lors de la Fashion Sustain de Berlin, en juillet.
Photo 1 et 2 : Ector
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