Tester ses futures enceintes dans des conditions d’écoute optimales, c’est possible. Le site Hifi.fr propose à ses clients des séances d’essai dans un auditorium un peu particulier : une maison de l’arrière-pays toulousain. Créée il y a quatre ans, cette plateforme est spécialisée dans les installations hi-fi haut de gamme, un univers où chaque détail compte.
« Dîtes donc, il fallait la trouver votre maison ! » s’exclame Gérard, un audiophile venu d’Agen avec Marie-Joël, sa compagne. Emmanuel Lévy, fondateur du site Hifi.fr l’accueille en même temps qu’une lourde palette. L’entrepreneur hisse deux cartons sur son diable et escorte le couple vers la porte d’entrée de son pavillon. La demeure en brique est cachée dans un lotissement, perdu au milieu de tournesols en berne, au coeur de l’arrière pays toulousain. « Installez-vous dans le salon », intime Emmanuel Lévy à ses clients. Tous trois traversent un long couloir. À leur droite, s’aligne une vingtaine de monolithes de 1,20 mètre environ, recouverts de feutrine blanche.
« C’est ici que je stocke les enceintes-colonnes les plus volumineuses », explique le propriétaire des lieux. Les deux Agenais prennent place sur le canapé rouge de l’auditorium, qui est en fait le salon d’Emmanuel Lévy : « J’organise les écoutes chez moi. Mes clients installent le plus souvent leur chaîne hi-fi dans leur salon. Ses conditions d’utilisation sont très proches de celles du test réalisé aujourd’hui. » L’hôte se dirige alors vers sa cheminée, qu’il obstrue à l’aide de deux panneaux de bois alvéolés. Il s’agit de diffuseurs acoustiques : le son ne s’engouffre plus dans le conduit, il est savamment réverbéré dans toute la pièce. Car le salon d’Emmanuel Lévy n’est pas comme les autres. Derrière chaque étagère, se cachent des panneaux de mousse acoustique. La télévision est recouverte du même matériau. Une vaste baie vitrée ouvre sur les collines environnantes : « C’est un problème, parce que ses vibrations provoquent un léger décalage dans la perception des aigus. Il y a quelques millisecondes de trop pour revenir jusqu’à l’oreille, qui nuisent à la qualité d’écoute et fatiguent le cerveau », détaille l’expert. La solution adoptée est discrète, presque invisible. De petits cubes de bois d’un centimètre de côté occupent le rebord de chacune des vitres. Ils résorbent les vibrations et améliorent ainsi l’acoustique de la pièce. Les clients de l’entrepreneur peuvent d’ailleurs les acheter pour 10 euros l’unité.
« La qualité de l’écoute va dépendre du maillon le plus faible de la chaîne »
Le café est prêt. L’audition va pouvoir commencer. Deux imposantes enceintes Pierre-Étienne Léon, modèle Thesis, vont se prêter à l’exercice. À 13 000 euros la paire, elles sont le nouveau fantasme de Gérard. Le chimiste retraité n’a pas hésité à rouler durant deux heures pour récupérer un serveur Aurender, destiné à stocker sa musique, et en profite pour procéder à une écoute : « Au début, j’étais un peu sceptique quant au fait d’aller tester des enceintes chez un particulier. Mais c’est vrai que dans les magasins spécialisés, on se retrouve dans un auditorium bardé de panneaux acoustiques et arrangé dans tous les sens. Du coup, le résultat est assez décevant quand on rentre à la maison. »
Emmanuel Lévy lance la lecture d’une compilation spéciale, prévue pour retranscrire un spectre sonore élargi à plusieurs styles musicaux. Les vibrations rauques du saxophone du britannique John Surman s’élèvent alors dans les airs. Le son est puissant, précis, envoûtant. Chaque centimètre cube d’air expiré par l’artiste dans son tube de cuivre est perceptible à l’oreille. Gérard affiche une mine sérieuse, concentrée. Il ne cille pas. Mozart, Archie Sheep, Shirley Horn… Les musiques s’enchaînent quand, soudain, tout le monde sursaute.
Emmanuel Lévy vient de passer un son de porte de garage qui se ferme violemment. Les enceintes qu’il commercialise sont polyvalentes et permettent aussi d’apprécier des films. Le couple d’Agenais se contente finalement du serveur qu’il était venu chercher. Gérard est toutefois intrigué par un gros cube noir marqué d’un flocon blanc : « Qu’est-ce que c’est ? » demande-t-il. « C’est un ampli Apurna. Sa particularité est qu’il fonctionne par paire. Un pour le canal droit et son jumeau pour le canal gauche. »
À 75 000 euros la fratrie, mieux vaut avoir l’oreille bien aiguisée. Et ce n’est qu’un amplificateur intégré. Le nom de chaîne hifi vient du fait qu’il faille assembler plusieurs éléments, des maillons, pour parfaire son écoute. Entre ses deux enceintes, Emmanuel Lévy a empilé un ampli, un lecteur CD et un convertisseur DAC (pour transformer les fichiers numériques en analogiques).
« Le son est puissant, précis, envoûtant »
« La qualité acoustique va dépendre du maillon le plus faible de la chaîne. C’est pour cela que mes clients cherchent à améliorer leurs installations en permanence. Trois éléments comptent : la source, l’ampli et les enceintes. Si votre lecteur CD, la source, n’est pas assez bon, les enceintes ne pourront pas compenser le manque de relief ou de dynamique . » En fait, le vendeur de hi-fi est presque un conseiller matrimonial. Il s’assure, en fonction des éléments dont dispose déjà le client, que ses nouvelles acquisitions s’accouplent bien avec eux. Hifi.fr propose 900 produits d’écoute haut de gamme. Les prix vont du câble pour enceinte à 5 euros le mètre à l’ampli Apurna Apogée à 153 400 euros. « Il m’arrive aussi de me rendre chez un client pour faire le bilan de ses attentes et étudier l’acoustique d’une pièce. Cela crée un lien, c’est ce qui me passionne », conclut Emmanuel Lévy.
Gabriel Haurillon