« Le textile et la mode sont considérés comme la deuxième industrie la plus polluante au monde », déplore Anne Perwuelz, spécialiste du développement durable au sein de l’École nationale supérieure des arts et industries textiles. Selon la fondation MacArthur, le secteur produit chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre. La fabrication d’un simple jean nécessite la consommation moyenne de 8 500 litres d’eau. De même, sur un plan éthique, les conditions de travail des ouvriers de la mode sont parfois qualifiées d’inacceptables. L’effondrement en 2013 de l’immeuble du Rana Plaza, au Bangladesh, qui abritait de nombreux ateliers de confection pour diverses enseignes internationales, avait causé la mort de plus d’un millier de personnes et éveillé les consciences. Le mouvement Fashion Revolution Day est né, pour révéler les coulisses de cette industrie et ses dysfonctionnements, pour inciter les marques de vêtements et d’accessoires à avoir une approche plus éthique et durable.
Pour autant, « la mode reste à la traîne sur toutes ces questions », regrette Barbara Coignet, organisatrice depuis dix ans de la biennale 1.618 Sustainable Luxury, un salon dédié au développement durable dans l’univers du luxe. « Le monde de la haute couture repose sur des éléments immatériels, le rêve, la tendance, la nouveauté, la surprise. Il est pris dans un cercle infernal et un rythme effréné de collections et d’inter-collections, avec des créateurs qui se permettent tous les délires, pour des gens qui veulent consommer en permanence… Voilà qui s’oppose complètement aux principes de l’économie circulaire, au respect des matières premières, au mouvement slow, etc. »
L’un des objectifs de Barbara Coignet est d’alerter les créateurs en utilisant leurs codes : la beauté, la désirabilité, la qualité, l’innovation. « Il y a de nombreuses petites marques qui sont aujourd’hui propres et responsables, la mode éthique étant la plus engagée. Ceux qu’il faut convaincre, ce sont les grands couturiers, ceux qui défilent et qui ont un vrai pouvoir d’influence. Ils doivent s’emparer du sujet. Pour l’instant, Stella Mc Cartney est malheureusement une exception.» Bien que trop lente, la transition est donc amorcée.
D’abord grâce à la pression d’une clientèle rajeunie, sensibilisée, informée, qui demande des comptes et de la transparence. Ensuite, par l’application de normes environnementales et sociales toujours plus strictes. Ainsi de nouvelles matières sont en train de voir le jour, l’utilisation de plantes bio gagne du terrain, le recyclage bat son plein et les labels éthiques s’imposent. Certes, les petites marques sont les plus nombreuses à se jeter dans le bain de la durabilité, mais « certaines grandes maisons vont faire des annonces fortes et précises, en 2020 », confie Barbara Coignet. Ce sera certainement l’année du vert.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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