Une étude, réalisée par le consortium international Glambie, révèle que les glaciers du globe ont perdu 5% de leur volume initial depuis 2020. Un chiffre qui confirme le phénomène connu du réchauffement climatique. Mais qu’en est-il dans les Pyrénées ? Le glaciologue Pierre René fait le point sur la situation… et il n’est pas très optimiste. Interview.
Pierre René, vous observez les glaciers des Pyrénées depuis plus de 20 ans. Au vu des derniers chiffres révélés par l’étude du consortium international Glambie, faisant état de la disparition de 5% des glaciers de la planète en 25 ans, pouvez-vous nous donner des nouvelles de ceux des Pyrénées ?
Aujourd’hui, il ne reste que 17 glaciers dans les Pyrénées, 11 sur les versants français et 6 en Espagne. Ils sont concentrés dans les Pyrénées centrales, autour de Luchon et sur l’Aneto, et dans les Pyrénées occidentales, quasiment à la limite des Pyrénées-Atlantiques, sur la région du Vignemale. Il y a aussi un petit glacier en Ariège. Pour résumé, ils se trouvent globalement sur le côté Atlantique des Pyrénées, le côté méditerranéen étant beaucoup plus chaud et sec. Il s’agit là de glaciers de montagne, bordés par du relief, des sommets, des crêtes, qui coulent dans les vallées. Contrairement aux calottes glaciaires, qui sont d’immenses champs de glace recouvrant tout. La particularité des glaciers étant qu’ils fondent en été et se rechargent en hiver, mais jamais ils ne disparaissent totalement… Enfin, normalement ! Parce que les glaciers des Pyrénées sont tellement petits à l’échelle mondiale qu’ils sont en voie de disparition. Avec le réchauffement climatique, leur fonte est bien supérieure à leur rechargement et ce, depuis une centaine d’années. A tel point que, en moyenne, l’un d’entre eux disparaît chaque année.
« Les Pyrénées ont donc perdu 70% de leur surface en seulement 25 ans »
Cela signifie-t-il que les glaciers des Pyrénées sont voués à disparaître dans les prochaines années ?
Oui, assurément ! En 2000, nous recensions 44 glaciers, représentant 5 kilomètres carrés de superficie totale. En 2025, il n’y en a plus que 17 pour une superficie de 1,6 km². Les Pyrénées ont donc perdu 70% de leur surface en seulement 25 ans. Ainsi, en calculant, nous pouvons avancer qu’ils auront totalement disparu d’ici 15 à 20 ans.
Quelles seront les premières conséquences concrètes ?
Finalement, il y en aura assez peu ! Ils sont déjà tellement petits que les conséquences seront très localisées. Les premières seront observables sur la biodiversité. Sur les sommets, là où se trouvent les glaciers, existe de petits écosystèmes d’êtres vivants, de faune et de flore. Des espaces de vie très spécifiques, un peu extrêmes, qui disparaîtront avec les glaciers. Nous parlons par exemple d’algues microscopiques, appelées algues de Névé, mais aussi de la puce des glaciers par exemple.
Plus anthropocentré, certains sommets ne seront plus accessibles à l’Homme, comme le Vignemale ou l’Aneto. Les glaciers disparus, le reste rocheux sera plus grand et donc le marchepied pour gravir les sommets plus haut. De même, les zones rocheuses qui ont été ébranlées par l’action des glaciers, ne seront plus tenues. Les chutes de pierres seront donc plus importantes sur les itinéraires d’accès au sommet, rendant la randonnée plus dangereuse.
Enfin, reste l’aspect esthétique, ou même culturel. Sur une vieille photo du Vignemale ou du Mont Perdu il y a 100 ans, le blanc et le bleu des glaciers contrastaient avec les couleurs sombres de la roche. Dans 20 ans, et déjà aujourd’hui, le paysage est plus terne.
Mais l’activité humaine ne sera pas impactée. Pour faire court et caricatural : la disparition des glaciers des Pyrénées ne modifiera pas le débit de la Garonne !
« Les glaciers des Pyrénées sont de véritables lanceurs d’alerte »
Peut-on encore inverser la tendance ?
La seule action possible pour préserver les glaciers est de limiter nos rejets de gaz à effets de serre, qui amplifient les températures. Mais pour les glaciers des Pyrénées, il est déjà trop tard ! Le réchauffement a été tellement rapide que les conditions climatiques ne permettent plus d’assurer leur survie. Ils sont d’ores et déjà condamnés. On peut dire qu’ils sont de véritables lanceurs d’alerte : ils sont les témoins concrets de ce qui se passe si nous ne réduisons pas notre empreinte sur l’environnement.
S’il est trop tard pour les glaciers des Pyrénées, ce n’est pas le cas pour tous ?
Non, c’est pour cela qu’il faut nous servir de ce qui se passe dans les Pyrénées pour sauver ce qu’il reste à sauver. Que la disparition des glaciers de nos montagnes ne soit pas vaine ! D’autant que nos glaciers étant très petits, leur disparition n’a que peu d’impact, mais si cela se produit à plus grande échelle…
Alors faut-il maintenant laisser les glaciers des Pyrénées tranquilles ou au contraire aller les fouler tant qu’il est encore temps ?
Les randonneurs n’ont pas d’impact sur les glaciers. En tant qu’accompagnateur en montagne, je conseillerai donc d’aller les voir tant qu’il est encore temps. Allez voir ces paysages de haute-montagne très particuliers, qui suscitent l’émerveillement. Voir et toucher ce que nous allons perdre peut donner envie d’être plus actif dans la préservation et la protection des milieux naturels. Gravir les glaciers serait ainsi une forme de sensibilisation.
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