La Région doit faire face à un déficit en eau structurel d’environ 200 millions de mètres cubes chaque année. Pour faire face à ce manque d’eau, le service d’Ad’Occ, l’agence de développement économique régionale d’Occitanie, travaille depuis plusieurs années aux possibilités de réutilisation des eaux usées.
« En France, sur 8,4 milliards de mètres cubes d’eaux usées rejetées par an, seul 1% est actuellement réutilisé. » C’est le constat fait par le Cerema, le Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. La France est loin derrière l’Italie et l’Espagne qui utilisent entre 8 et 14% de leurs eaux usées traitées. Et très loin derrière Israël avec 80%, selon le Centre d’information sur l’eau (CIEAU).
Emmanuel Macron a d’ailleurs souligné ce retard par rapport à d’autres pays le 30 mars, lors de la présentation de son plan Eau. Il a affirmé vouloir passer à 10% le recyclage des eaux usées en France d’ici 2030. « Cet objectif est envisageable », estime Jean-Michel Clerc, chargé de mission expert à l’Ad’Occ, l’agence de développement économique d’Occitanie, notamment spécialisé dans les questions de l’eau. Et d’argumenter : « Il existe déjà un ensemble de projets en cours d’étude de faisabilité, qui doivent être validés d’ici la fin 2023. Il y a déjà une pré-programmation de plusieurs initiatives qui n’attendent qu’à être mis en place. D’ici 2030, on va facilement arriver à 10%. »
La Région Occitanie voit d’ailleurs se multiplier les projets depuis plusieurs années. L’été 2022, témoin d’une sécheresse intense, a marqué un nouveau tournant pour la Réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Cette pratique consiste à collecter les eaux usées à l’échelle domestique, industrielle ou agricole, de les acheminer dans des stations d’épuration pour les dépolluer, avant de les renvoyer dans le milieu naturel, ou de les réutiliser pour l’irrigation, le refroidissement industriel, la recharge des nappes phréatiques, l’eau potable indirecte ou la production d’énergie.
Jean-Marc Clerc est spécialiste du sujet depuis 1985. Ce dernier a vu les premiers projets et les premières réglementations sur la réutilisation des eaux au début des années 1990 dans la Région Languedoc-Roussillon. Désormais, cet expert travaille sur le déploiement de dispositifs de réutilisation des eaux usées à l’échelle de l’Occitanie. Pour tester la faisabilité de ce projet, des tests ont été effectués. « Une partie des premiers essais a été faite sur le golf du Ginestous, en Haute-Garonne. Plutôt que d’utiliser de l’eau potable, le site exploite de l’eau recyclée », précise-t-il.
La Région Occitanie économise déjà des centaines de milliers de mètres cubes d’eau potable grâce à plusieurs initiatives. Depuis 2021, c’est le golf du Cap d’Agde (Hérault) qui réutilise les eaux usées. Jean-Michel Clerc détaille : « Au total, 230 000 mètres cubes d’eau potable ont ainsi été économisés. Nous avons des résultats significatifs. C’est un cercle vertueux ».
Dans l’Aude, à l’Institut de la recherche agronomique (Inra) de Gruissan, les eaux usées sont réutilisées pour irriguer 80 hectares de vignes. Dix ans de travail ont été nécessaires pour lancer ce projet fin 2022. Concrètement, ce sont les eaux de la station d’épuration de Narbonne Plage qui repartent irriguer les vignes avec un système intelligent connecté. Le dispositif a coûté plus d’un million d’euros. À Roquefort-des-Corbières, ce sont 15 hectares de vignes qui sont irrigués par les eaux sorties de la station communale.
Pour Jean-Michel Clerc, la réutilisation des eaux usées reste la « meilleure méthode ». « Aujourd’hui, l’option du dessalement est une catastrophe environnementale car nous rejetons des saumures et consommons beaucoup de produits chimiques pour traiter l’eau. Sur un mètre cube d’eau de mer, on ne récupère que 600 litres d’eau douce. Quant à l’utilisation des eaux pluviales, qui permet de récupérer quasiment 980 litres d’eau potable pour un mètre cube, elle est dépendante de la pluie. »
Si le programme REUT permet l’irrigation des vignobles, des golfs, d’espaces verts, le lavage des voiries, la réalimentation des rivières et des zones humides de la région, il n’est qu’un « outil de lutte contre la sécheresse » pour l’expert, « en aucun cas une solution miracle ».
Liliana Brel, avec L.O.
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