Une nouvelle attaque de brebis, supposément réalisée par un ours, vient relancer le débat sur la présence de l’animal dans le massif. Si certains voient en lui le symbole de ces montagnes, bergers et éleveurs s’opposent fermement à sa présence.
Dans la nuit du 22 au 23 avril dernier, un troupeau de brebis aurait été attaqué par un ours. Alors logé dans une bergerie du hameau de Lançon, dans les Hautes-Pyrénées, l’ours aurait réussi à pénétrer et tué par deux fois. Si la culpabilité de l’animal n’a pas encore été avérée par l’Office national des forêts, la Fédération nationale ovine (FNO), qui défend la cause des bergers et éleveurs, a trouvé son responsable. Selon elle, « les traces, les poils, les empreintes et la manière dont la carcasse est dévorée ne laissent pas de doute quant à l’identité du meurtrier. »
Cette attaque est la première attribuée à l’ours en 2021, mais elle est surtout d’un tout nouveau genre. Dans la grande majorité des cas, les attaques d’ours étaient effectuées en haute montagne au sein des estives.
L’attaque de vendredi serait ainsi une première dans une bergerie haut-pyrénéenne, un département pourtant moins touché par l’ours que l’Ariège ou les Pyrénées-Atlantiques. Une demi-surprise selon Yves Rauzy, un éleveur équin ariégeois, proche de l’ASPAP, l’Association pour la sauvegarde du patrimoine d’Ariège-Pyrénées. « C’est quelque chose qui était malheureusement prévisible. L’ours n’a peur de rien, il est intouchable, la prochaine étape sera une attaque sur l’homme. » Il déplore une situation « dramatique » non seulement pour les éleveurs, mais aussi pour la vie économique, le tourisme et la vie locale, les attaques étant de plus en plus proches des habitations.
Franck Watts, responsable de la question des ours au sein de la Fédération nationale ovine, demande donc au gouvernement de prendre « ses responsabilités ». L’État est selon lui obligé d’assurer une protection aux troupeaux présents dans les estives, mais il dénonce des moyens insuffisants.
Lors du dernier décompte, fin 2020, 64 ours ont été repérés dans les montagnes pyrénéennes par l’ONF. Si l’animal est toujours classé comme «en danger», ce dernier s’est refait une place de choix grâce à la réintroduction d’une espèce cousine venue de Slovénie. Autre point de satisfaction pour les « pro-ours » le nombre d’attaques au cours de cette dernière année : 369 en 2020, qui ont coûté la vie à 636 brebis. Un chiffre à mettre en corrélation avec les 160 000 bêtes qui occupent les montagnes pyrénéennes tous les étés.
Si les attaques de l’ours ne sont pas contestées, Férus, la principale association de défense ursine rappelle que les morts causés par l’animal ne sont qu’une infime partie des décès survenus tous les ans et que des solutions existent.
La solution la plus souvent évoquée se résume en trois axes forts. « La présence continue de bergers, la mise en place de parcs électrifiés et de clôture ou encore la multiplication du nombre de chiens de garde autour du troupeau », détaille Patrick Leyrissaux, membre de l’association Férus et spécialiste de la question des ours en Ariège.
Le bénévole appuie son propos sur plusieurs études scientifiques, vantant les mérites d’un tel système. « Nous sommes quasiment sûrs d’une réussite à 100% sur les estives appliquant ce triptyque », explique-t-il. Mais ces arguments ne parviennent pas à convaincre les éleveurs, très critiques quant à la façon dont ce système doit être mis en place. Pour Franck Watts, les personnes à l’origine de ces recommandations ne « connaissent rien à la situation sur le terrain ». Même son de cloche chez Yves Rauzy, qui regrette que les mesures prises le soient sans consultations des éleveurs, les seuls à réellement connaître la haute montagne et ses contraintes.
Alors que le nombre de brebis tuées explose ces dernières années, il est passé de 300 au début de la décennie à 1200 en 2019, les éleveurs demandent tous la mise en place d’une même mesure : l’effarouchement. Bien que cette pratique soit interdite par une directive européenne, plusieurs préfets ont accordé des dérogations « pour acheter la paie sociale » assure Patrick Leyrissaux. Les bergers sont ainsi autorisés à utiliser des signaux sonores et lumineux pour faire fuir l’ours, une pratique jugée « cruelle et inefficace » par les associations de défense des animaux.
Afin d’apaiser un peu les tensions entre les deux parties inconciliables, à l’été 2020, Emmanuel Macron avait annoncé sa volonté de mettre fin aux réintroductions d’ours. Une première depuis 1996, vécue comme une petite victoire par les éleveurs, loin d’être satisfaits pour autant.
Tristan Carballeda
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