21 membres du personnel de l’Ehpad La Tramontane à Leucate dans l’Aude dénoncent des conditions de travail dégradées qui se répercutent sur les résidents. Un appel à l’aide formulé dans un courrier de huit pages envoyé à l’Agence Régionale de Santé.
« Tous poussés à bout pour rentrer dans le moule de la “consommation”, le moule du “gagner plus et dépenser moins”, le moule de la déshumanisation, de la décadence et du travail à la chaîne, du mépris de nos aînés, de nos valeurs et de nos mœurs ». Ce sont les premières lignes d’un courrier de huit pages, revendiqué par 21 salariés et anciens salariés de l’Ehpad La Tramontane à Leucate, dans l’Aude. Aides-soignants, ASH (agents de soins hospitaliers), infirmiers, cuisiniers, psychologues ou encore employés administratifs, ces personnels au profils variés qui ont souhaité rester anonymes représenteraient un tiers des 60 salariés de l’établissement.
Dans une longue lettre adressée à l’Agence Régionale de Santé Occitanie, ces derniers dénoncent des conditions de travail matérielles et humaines désastreuses qui affectent le bien-être et la santé des résidents ainsi qu’un « système qui n’est pas celui dans lequel nous sommes engagés ». Un courrier que la direction de cet Ehpad de 60 salariés juge infondé.
Les auteurs de cette lettre expliquent avoir fait le chois de l’anonymat par crainte des représailles. Ils écrivent : « Nous sommes des personnels mourants, nous avons le pouvoir et le droit, la force et la volonté de dire à haute voix ce qui se passe après la fermeture des portes. Nous parlons pour nous mais aussi pour les personnes âgées qui sont incarcérées dans notre établissement et qui n’osent pas parler, pour les familles qui sont loin de leurs parents et pour ceux d’entre nous qui cachent la vérité, toujours embellis par les belles paroles d’une direction qui veut être un modèle en public ».
L’Ehpad La Tramontane, qui a récemment remplacé celui de La Franqui, a une capacité de 105 résidents, pour un coût mensuel moyen pour une chambre de 3 000 euros. Situé entre Leucate-Village et Leucate Plage, cet établissement offre un cadre avantageux dans la station balnéaire du golfe du Lion. Cependant, derrière ces belles apparences, les employés dénoncent un quotidien qui n’a rien de paradisiaque.
La plupart des problèmes énoncés dans ce courrier sont liés à une volonté de la direction de baisser les coûts. Les employés dénoncent des restrictions alimentaires pour les résidents, avec un budget journalier de 4 à 5 euros par personne pour cinq repas par jour. Des problèmes d’hygiène ont également été signalés dans cette lettre, notamment une baisse régulière de la qualité des couches des résidents, due à plusieurs changements de fournisseurs. Les soignants n’auraient, en outre, le droit de changer les draps qu’en cas de « grosses tâches ».
Enfin, les aides-soignants et les ASH déplorent devoir « travailler à la chaîne », ce qui entraîne une déshumanisation du traitement des résidents. « [La direction] nous a demandé de nettoyer la salle de bain, de faire le lit ou de changer complètement les draps, de les habiller, les changer en 12 minutes, horloge en main ». Les ASH étant même obligés de réaliser le même travail en huit minutes.
Les Ehpads ont été au cœur de l’actualité durant la crise sanitaire en 2020 et 2021. Et pour les résidents comme les employés, la gestion de cette période a été très compliquée. Dans cette lettre, les membres du personnel de La Tramontane affirment avoir été obligés de porter des gants de rechange en polyéthylène, comme ceux disponibles dans les stations-services, qui se déchiraient constamment. Les personnels non-vaccinés ou en cours de vaccination devaient, eux, porter une blouse rouge pour signaler leur statut vaccinal.
Des accusations que récuse fermement Ingrid Gaillet, directrice de l’Ehpad, qui a critiqué ce courrier dans les colonnes de La Dépêche du Midi. Cette dernière dénonce des “accusations fausses et purement dirigé contre elle“. « Les auteurs de ce courrier ont profité du contexte médiatique actuel (le scandale Orpea) pour reprendre des éléments à leur propre compte », a-t-elle ainsi confié à nos confrères.
Celle-ci affirme également que la majorité des membres du personnel de l’Ehpad, n’ayant pas pris part au courrier, en ont assez du climat de suspicion qui règne au sein de l’établissement ainsi que du comportement de leurs collègues ayant formulé ces accusations. Ingrid Gaillet entend déposer plainte contre les auteurs de la lettre, dont elle ignore l’identité.
Elioth Salmon
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