Avec plusieurs délibérations portant sur des plans et projets déterminants pour le développement de la métropole toulousaine, la question de l’urgence climatique s’est naturellement invitée au conseil de Toulouse métropole, ce jeudi 10 février 2022. Les propos liminaires ont ainsi donné lieu à un débat éclairant sur le rapport qu’entretiennent les différents élus à l’écologie.
Avec un ordre du jour comprenant des délibérations portant sur le bilan du Plan climat air énergie territorial (PCAET), l’autorisation environnementale de la troisième ligne de métro (TAE) ou l’élaboration du Plan local d’urbanisme intercommunal-Habitat (PLUiH), les propos liminaires du conseil de Toulouse métropole de ce jeudi 10 février ont donné lieu à des échanges de vues, parfois salés, sur l’urgence climatique et la politique environnementale de la collectivité. Entre les piques et les portraits peu nuancés, équitablement répartis entre la majorité et l’opposition, le débat du jour a permis aux élus de la métropole toulousaine de dévoiler, dans les grandes lignes, le rapport qu’ils entretiennent avec l’écologie.
C’est la vice-présidente socialiste Karine Traval Michelet, signataire du pacte de gouvernance de la majorité, qui a abordé, en premier, la question de l’environnement en revenant sur le bilan à mi-mandat du plan Climat présenté par Jean-Luc Moudenc, le 21 janvier dernier. Sans s’appesantir sur les résultats, celle-ci a rappelé l’urgence climatique et la nécessité, pour la collectivité, « d’accentuer [ses] efforts et de prévoir des outils supplémentaires pour parvenir à [ses] objectifs initiaux ». La deuxième vice-présidente a ensuite détaillé une vision du projet écologique métropolitain placée sous le signe de la pondération. Prenant l’élaboration du nouveau PLUiH en exemple, Karine Traval-Michelet a défendu une approche qui concilie « défi démographique et climatique » puis, au sujet ZFE, une mise en œuvre qui « ne soit pas un obstacle à la mobilité ».
« Il est essentiel d’offrir un peu de plaisir et de bonheur à nos concitoyens » : Joseph Carles
De son côté, Isabelle Hardy, conseillère métropolitaine du groupe Métropole écologiste et citoyenne pour des territoires solidaires (MECTS), a insisté sur l’importance de l’enjeu environnemental, notamment en matière de santé publique. Rappelant que la pollution tue davantage que l’alcool et le tabac, celle-ci a invoqué le courage politique nécessaire pour « oser déclarer l’urgence climatique ». Fustigeant les insuffisances des différents plans et projets mis en œuvre par la majorité, l’élue a appelé l’assemblée à faire le choix d’une « écologie populaire ». Notamment en densifiant le réseau des mobilités alternatives à la voiture, en promouvant une « végétalisation partout où cela sera possible » et, enfin, en évitant que la ZFE ne se réduise à un « péage urbain ».
Reconnaissant l’importance des enjeux environnementaux, Joseph Carles, vice-président de Toulouse métropole, a tout de même souhaité relativiser la place prise par l’impératif écologique dans les politiques publiques. « Ce sont des sujets importants, mais qui ne doivent pas nous faire oublier de soutenir et dynamiser le fleuron de notre territoire : l’industrie spatiale et aéronautique », a-t-il notamment défendu avant de vanter les vertus du divertissement. « Je crois que l’écologie punitive est une catastrophe qui risque de provoquer un rejet. Bien sûr l’urgence climatique est là. Mais nous devons aussi construire des politiques culturelles et d’animation au cours desquelles nous allons aussi faire oublier toutes ces préoccupations à nos concitoyens. Il est essentiel d’offrir un peu de plaisir et de bonheur à nos concitoyens et nous avons oublié cette dimension dans nos discours ».
Reconnaissant à Jean-Luc Moudenc de n’être « ni climatosceptique, ni idiot », Agathe Roby, du groupe Alternative pour une métropole citoyenne (AMC) attaque beaucoup plus frontalement la politique environnementale de la majorité qu’elle juge « irresponsable », attentiste et techno-centrée. « Votre réponse à la crise climatique se résume à quelques gadgets connectés : Canopées urbaines qui ne prennent pas, arbres à algue installés sur des Ramblas désertées… Mais, pour vous, la technologie va nous sauver. Vous attendez l’avion vert et que l’industrie automobile fabrique, peut-être un jour, des véhicules moins polluants. [Vous restez] dans l’inaction en attendant que la technologie résolve tous nos problèmes et, surtout [vous mettez] sur le dos des usagers », charge-t-elle.
« Votre réponse à la crise climatique se résume à quelques gadgets connectés » : Agathe Roby
Dénonçant des choix défaillants et une politique de l’autruche consistant à « minimiser les chiffres », Agathe Roby ironise également sur ce quelle considère être une forme de déconnexion avec le réel de la majorité. « Plusieurs d’entre vous font partie des puissants qui peuvent, tels Elon Musc et Jeff Bezos, voir l’avenir avec sérénité et vous dire qu’il y aura toujours une petite place au frais, quelque part, pour vous et vos proches. Je ne sais pas si vous avez négocié un prix de groupe avec Philippe Perrin pour partir dans l’espace, dans une fusée en forme de tour Occitanie, ou si vous prévoyez plutôt un bunker collectif où vous pourrez vivre décemment dans quelques décennies ».
Rappelant la majorité « à la raison », Agathe Roby conclut cette diatribe en appelant « à travailler ensemble à un nouveau Plan de déplacements urbains (PDU) qui réponde aux enjeux de la mobilité ».
Comme à son habitude, c’est Sacha Briand, le grand argentier de la Métropole qui s’est chargé de répondre, avec une certaine virulence, aux critiques et observations de ses collègues. « Je suis frappé par la convergence des orateurs sur la question de l’urgence climatique. Une réalité, comme celle de la transition écologique, que personne ne nie. Néanmoins, je suis aussi frappé par cette volonté du pessimisme, cette vision du vide », attaque Sacha Briand avant de viser plus spécifiquement Agathe Roby. Faisant le lien avec son métier d’historienne médiévaliste, Sacha Briand lui prête des « angoisses de l’an 1000 ». Une façon pour le vice-président en charge des finances, d’opposer progrès et décroissance.
« Je suis frappé par cette volonté du pessimisme, cette vision du vide » : Sacha Briand
« Pour nos collègues de l’écologie politique, la crise climatique c’est l’annonce de la fin des temps, de la fin du monde. Nous devrions, selon eux, collectivement organiser la disparition de l’espèce humaine pour la ramener au monde fini, à la capacité que notre planète aurait de nourrir l’espèce humaine », surenchérit l’élu de la majorité. À cette peinture décliniste, Sacha Briand oppose une transition environnementale basée sur la croissance économique et le développement des richesses. Seule voie, selon lui, permettant d’allier enjeu environnementaux et justice sociale. « Sans création de richesses, il ne peut y a voir de répartition », argumente-t-il. Pour cela, celui-ci propose notamment de renforcer la production nationale d’énergie nucléaire.
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