Ce mercredi 13 avril sort au cinéma le film Le Stade. Coréalisé par Eric Hannezo et Matthieu Vollaire, ce long-métrage revient sur la saison 2020-2021 du Stade Toulousain durant laquelle les Rouge et Noir ont réalisé le doublé : champion de France (Top14) et d’Europe (Champions Cup). Une aventure humaine et sportive que le spectateur pourra vivre en immersion, aux côtés des hommes d’Ugo Mola. Damien Piscarel, coproducteur (Black Dynamite) du film nous raconte les coulisses d’un tournage hors normes.
Damien Piscarel, pourquoi ce film sur le Stade Toulousain ?
Chez Black Dynamite, nous avons l’habitude de réaliser des documentaires sportifs et le Stade Toulousain nous a fait savoir que le club était prêt à ouvrir ses portes pour un tournage en immersion. Nous n’avons pas hésité longtemps. Le Stade Toulousain est un grand club de rugby mais c’est aussi une marque, et une institution du sport français. Les joueurs qui y évoluent incarnent une nouvelle génération que l’on parle des Rouge et Noir ou du rugby français en général. L’on y trouve des personnalités fortes à l’image de Didier Lacroix, le président, ou Ugo Mola, le manager.
” Il y a beaucoup de souffrance pour peu de moments de joie !”
Vous avez tourné durant la saison 2020-2021, saison du doublé. Un heureux hasard?
Le tournage a débuté en décembre 2020 et a pris fin en juin 2021. Et, effectivement, au départ, nous ne savions pas quelle tournure allait prendre la saison du Stade Toulousain. Nous nous sommes retrouvés au milieu d’hommes qui avaient décidé de gagner toutes leurs compétitions. Mais allaient-ils y parvenir ou pas ? Nous ne pouvions pas le savoir. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on a eu de la chance, on a été super bien servi. Toutefois, le film évoque également des moments difficiles car, s’ils parviennent à tout gagner, ils sont passés par des phases de doutes. Durant cette saison, les joueurs ont accumulé les blessures, ont subi quelques revers sportifs et ont mené de front deux compétitions ce qui a mis les corps à rude épreuve… Et comme le souligne Antoine Dupont, “il y a beaucoup de souffrance pour peu de moments de joie!”
Vous avez une histoire particulière avec le Stade Toulousain ?
Je viens du Sud-Ouest, de Bordeaux plus précisément. Ce qui m’a valu d’être pas mal chambré au départ de cette aventure (rire). Plus sérieusement, j’ai joué au rugby étant jeune et c’était l’époque où le Stade Toulousain gagnait régulièrement la coupe d’Europe. Je me souviens notamment d’un match de demi-finale opposant Biarritz aux Rouge et Noir, à Chaban-Delmas. J’ai donc été baigné dans l’histoire du club de la Ville rose, au moment où émergeaient des joueurs comme Clément Poitrenaud, Frédéric Michalak, ou Nicolas Jeanjean. Pour moi, c’était LA référence. Et cela a perduré! Quand on aime le rugby, le Stade Toulousain, encore plus celui des années 1990 à 2000, reste incontournable.
” Le lendemain de la victoire en coupe d’Europe, ils ont tout retravaillé pour se présenter la semaine suivante, en championnat de France, comme s’ils n’avaient rien gagné “
Quel est l’objectif du film ? Qu’avez voulu en faire ?
Nous y racontons une épopée sportive exceptionnelle. Mais aussi une aventure humaine. Les joueurs que nous avons côtoyés y sont confrontés à des difficultés qui sont celles de beaucoup de gens, au quotidien. Nous étions alors en période de Covid, et l’on découvre dans le film, de quelle manière l’équipe a géré les restrictions, les matchs annulés, les entraînements qui sautent, sans oublier les blessures… Bref, des soucis comme chacun peut en avoir dans son travail, dans son organisation personnelle. Et c’est là que transpirent les fameuses valeurs du rugby : quand Yoann Huget, joueur emblématique, qui dispute sa dernière saison, se blesse (rupture du tendon d’Achille) à un mois et demi de la fin de celle-ci, on sent bien dans le film que les joueurs ne perdent pas un simple coéquipier. On perçoit une grande solidarité, une proximité particulière entre les membres de l’équipe. On prend réellement conscience que le Stade Toulousain est une grande famille. Cela nous a sauté aux yeux !
Nous y avons également observé tout le travail et l’abnégation dont doivent faire preuve les joueurs. De juin 2020 à juin 2021, chaque semaine, ils bossaient, ils bossaient, ils bossaient, sans arrêt. Ils reprenaient les entraînements collectifs, le travail des touches pour les avants, des combinaisons pour les arrières… Et même le lendemain de la victoire en coupe d’Europe, ils ont tout retravaillé pour se présenter la semaine suivante, en championnat de France, comme s’ils n’avaient rien gagné.
Avez-vous le sentiment que le Stade Toulousain est le meilleur étendard de ces valeurs ?
Je ne sais pas si c’est le club qui représente le mieux les valeurs du rugby. En tous les cas, nous les y avons retrouver lors de notre immersion. Matthieu Vollaire, le coréalisateur, a débarqué au Stade Toulousain et s’est fondu dans le groupe. Au final, il a obtenu des images, des confidences, des attitudes… sans filtres, dans lesquelles on perçoit bien toutes ces caractéristiques du monde de l’ovalie, à savoir l’intégrité, la passion, la solidarité, la discipline et le respect.
De plus, le club dispose d’une histoire forte et, est parvenu à garder un esprit de famille. Certains joueurs évoluent au Stade Toulousain depuis tout petit, ils y ont été formé. D’autres sont arrivés plus tard, même de l’étranger. Mais tous sont portés par l’histoire du club, qui fait partie intégrante de la dynamique actuelle. Et c’est une particularité propre à cette équipe. Nous l’avons très clairement perçu au fil du tournage. Dans le film, cela se retrouve notamment dans des éléments de langage de Didier Lacroix, Ugo Mola ou Yoann Huget lorsqu’ils prennent la parole dans le vestiaire. Ils cherchent régulièrement à transmettre un état d’esprit, un passé, un héritage, qui cimentent le club.
Ce film fait-il l’apologie assumée du Stade Toulousain ?
Non, car nous n’avons pas repris les codes du documentaire. Il n’y a pas d’interview posée durant lesquelles les intervenants auraient pu vanter les mérites du Stade Toulousain, pas de voix off. Il s’agit d’une réelle immersion durant laquelle nous ne savions pas ce que nous allions filmer, voir et entendre. L’histoire s’est déroulée sans que nous ayons de prise sur son évolution. De plus, nous montrons également des moments délicats de cette épopée. Nous n’avons pas éludé les coups de gueule, les moments de doutes, d’énervements… En revanche, il est vrai que, ayant tourné l’année du doublé, la fin de l’aventure contribue à valoriser le club. Mais, encore une fois, nous ne maîtrisions pas ce paramètre. Si le Stade Toulousain n’avait pas remporté les deux titres de champion de France et d’Europe, l’histoire aurait été totalement différente.
En outre, le club ne nous a absolument pas restreints. Nous avons pu filmer librement. Pour preuve, lorsque Didier Lacroix engueule le groupe après une troisième mi-temps un peu trop arrosée ; il ne nous a pas été demandé de couper la scène au montage. Il n’y a eu aucune intervention du Stade Toulousain ni durant le tournage ni après.
Ugo Mola occupe une place prépondérante dans le film. Etait-ce une volonté de votre part ?
Nous avons énormément filmé, et donc récupéré beaucoup de matière. Nous avons dû tout visionner. Et rapidement, les coréalisateurs Eric Hannezo et Matthieu Vollaire, et moi-même avons été scotchés par les speechs du manager. Il s’agit d’un rituel d’avant-match. Ses propos sont très forts et l’évolution de ses discours nous a frappés, dans la forme et dans le fond. Il peut y parler tactique, comme évoquer la famille, ou les difficultés liées au Covid. Ainsi, lorsque, au montage, nous avons dû décider des scènes à garder, beaucoup ont été retenues. Et dans nombre de ses interventions, les spectateurs peuvent s’identifier. Ses messages véhiculent des valeurs qui ne sont finalement pas propres qu’au rugby, elles sont universelles. Ugo Mola revient donc très régulièrement dans le film, tel un fil rouge, pour servir l’histoire et l’évolution de l’équipe.
” Une puissance supplémentaire aux images “
Le film est en noir et blanc. Pourquoi ce choix ?
Le film n’a pas été tourné en noir et blanc mais monté en noir en blanc. Au début du tournage, nous ne savions pas encore que nous opterions pour ce format. C’est en postproduction, au vu des belles images de Matthieu Vollaire, que nous avons décidé de tester le noir et blanc. Et nous nous sommes rendus compte que cela amenait une puissance supplémentaire aux images. Esthétiquement, cela nous a tout de suite séduits.
A qui s’adresse le film ? Quelle est votre cible ?
Nous souhaitons toucher un public le plus large possible. Notre film ne s’adresse pas uniquement à des amateurs de rugby ou aux supporters du Stade Toulousain. Le spectateur y découvre le quotidien d’un groupe de sportifs de haut niveau, mais aussi de simples hommes qui se surpassent pour atteindre leurs objectifs. Cela parle donc à tout le monde. Cependant, il est certain que les habitants de la Ville rose se sentiront un peu plus concernés. Spécialement ceux qui suivent les Rouge et Noir. Ils découvriront dans le film, les coulisses de ce qu’ils voient à Ernest Wallon ou à la télé le samedi ou le dimanche. Ils prendront conscience des efforts des joueurs, des difficultés qu’ils rencontrent pour parvenir à gagner le week-end. Ils verront également leur héros sous un nouveau jour, dans l’intimité du groupe.
” Des liens humains très forts entre les joueurs mais aussi avec leur coach “
Si vous deviez retenir une anecdote de tournage…
C’était lors de notre deuxième jour de tournage, alors que le Stade Toulousain préparait son déplacement en Ulster. L’entraînement n’était pas satisfaisant pour Ugo Mola, qui devait annoncer aux joueurs lesquels seraient retenus pour disputer la rencontre. Il les a donc réuni à la fin de la séance, d’abord pour les engueuler, ensuite pour leur annoncer que, au regard de leur prestation du jour, il ne dévoilerait pas l’équipe. Les obligeant ainsi à tous revenir le lendemain pour un nouvel entraînement… sous pression. On a senti, à ce moment-là, des liens humains très forts entre les joueurs mais aussi avec leur coach. C’est aussi cela le Stade Toulousain !
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