Le “Dictionnaire familier d’Occitanie” vient de paraître aux éditions Cairn. En abordant l’économie, la culture, l’Histoire ou les paysages de la région, cet ouvrage collectif propose à ses lecteurs un véritable tour d’horizon de l’Occitanie. Une trentaine de personnes ont contribué à la rédaction de ce dictionnaire sous la direction de Catherine Bernié-Boissard. Rencontre avec la géographe et universitaire, auteure de plusieurs livres sur la région.
Pourquoi ce “Dictionnaire familier d’Occitanie” ?
Nous avons décidé d’écrire cet ouvrage parce que la région, assez récente, est encore mal connue d’une partie de ses habitants et visiteurs. L’Occitanie résulte en effet de la fusion de deux régions (Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, ndlr) qui se connaissent peu alors qu’elles ont une richesse patrimoniale et de nombreux récits en commun. L’objectif de cet ouvrage est donc de mieux faire connaître la région, sa diversité et son Histoire. Il est ainsi destiné à ses habitants, aux touristes, mais plus généralement, à tous ceux qui s’intéressent à l’Occitanie.
Destiné à tous ceux qui s’intéressent à l’Occitanie
Pourquoi avez-vous choisi la forme du dictionnaire pour cet ouvrage ?
Nous voulions rendre cet ouvrage accessible à tous et facilement lisible. Avec la forme du dictionnaire, le lecteur est ainsi libre de choisir une entrée en fonction de ses curiosités, attentes et intérêts grâce au glossaire.
Plus d’une trentaine d’auteurs ont pris part à la rédaction de cet ouvrage. Pourquoi l’avoir écrit à plusieurs ?
Comme je ne suis pas omnisciente, j’ai fait appel à des collègues, amis et spécialistes de certains sujets. Les auteurs sont très variés : journalistes, professeurs, prêtre, chercheurs et ancien international de rugby. Cela rend le dictionnaire plus attrayant pour le lecteur. Les auteurs ont effectivement chacun leur manière d’écrire et leur sensibilité.
Le dictionnaire compte 157 entrées au total. On y retrouve notamment le Pic du Midi et le Port de Sète, les villes de Toulouse et Montpellier, les portraits de Pierre Soulages ou Charles Trenet mais aussi Airbus, les festivals et les sports de la région… Comment le choix des entrées s’est-il fait ?
Entre auteurs, nous avons discuté et proposé un certain nombre d’entrées qui nous paraissaient importantes et symboliques de la région. La liste n’est pas exhaustive, ce n’est pas une encyclopédie. Il y a donc un parti pris dans le choix des entrées. Beaucoup de choses n’ont d’ailleurs pas été abordées. Nous aurions ainsi pu parler des prisons qui font partie du patrimoine de la région et sont au cœur de problématiques actuelles.
Le dictionnaire s’attarde sur les principales villes d’Occitanie, mais aussi des villages comme celui de Montaillou qui compte 17 habitants. Pourquoi ?
Il y a effectivement les villes de Toulouse et Montpellier, les chefs-lieux des départements et d’autres communes ayant un intérêt historique. C’est le cas de Montaillou. Ce village de l’Ariège est connu grâce aux travaux des historiens Jean Duvernoy et Emmanuel Leroy-Ladurie (le premier a traduit le registre d’interrogatoire de l’Inquisition tenu par l’évêque de Pamiers Jacques Fournier, dans lequel on retrouve des témoignages d’habitants de Montaillou au Moyen-Âge, et le second a repris ce document dans son ouvrage intitulé “Montaillou, village occitan de 1292 à 1234”, ndlr). Il était intéressant d’en parler car c’est un témoignage exceptionnel sur l’Histoire de la région et l’Inquisition.
On retrouve dans votre ouvrage les portraits de personnalités locales féminines, notamment Juliette Gréco et Olympe de Gouges, mais aussi des entrées sur les écrivaines et le féminisme en Occitanie. Pourquoi avoir abordé ces thèmes ?
Si l’on veut avancer, il faut mettre en avant les femmes. L’Occitanie compte beaucoup d’écrivains, mais on parle moins des écrivaines comme Malika Mokeddem et Dominique Bona. Nous avons par ailleurs réalisé une entrée sur le féminisme pour faire connaître les spécificités de la région à ce sujet, notamment le site internet du podcast Mesdames… d’Occitanie (série de portraits sonores sur des femmes occitanes, ndlr) et le premier colloque national sur les femmes et les études féministes à l’université du Mirail en 1982.
L’Occitanie compte beaucoup d’écrivains, mais on parle moins des écrivaines
Vous avez également fait le choix de parler de périodes sombres de la région comme les attentats et l’explosion de l’usine AZF. Pourquoi ?
Les attentats de Toulouse et de Montauban ont précédé ceux de Paris. Cela nous a semblé symptomatique d’un climat qui se développe depuis cette période. Il a débuté dans la région et a continué avec les attentats de Carcassonne et Trèbes.
En ce qui concerne AZF, cette catastrophe industrielle témoigne d’une mémoire enfouie. On connaissait les risques, mais on les a ignorés. On a continué à urbaniser autour de l’usine. Cette catastrophe a permis de faire évoluer la législation en 2003. Il y a eu un avant et un après.
Si le dictionnaire aborde le passé de la région, il se tourne également vers le futur en abordant le changement climatique, la submersion marine et la biodiversité en Occitanie. Était-ce important pour vous de parler des enjeux pour la région ?
Nous avons voulu mettre en évidence les racines communes de la résistance dans la région depuis les Cathares, en passant par les Camisards et la Seconde Guerre mondiale, mais également parler de son présent et de son avenir à travers la transition écologique nécessaire. Il est important de s’interroger sur cela en soulignant les pistes possibles car nous avons des solutions. Notre volonté était ainsi de montrer que la région est riche en innovations. Presque tous les organismes de recherches nationaux sont présents en Occitanie : le CNRS, l’INRAE, l’ADEME… La région a un potentiel extraordinaire.
Un ouvrage collectif original pour découvrir la pluralité et la singularité de l’Occitanie d’hier et d’aujourd’hui. Sous forme de dictionnaire, il offre une plus grande liberté aux lecteurs et aux lectrices d’entrer dans la région selon leurs centres d’intérêt, leurs attentes, leurs goûts.
Commentaires