Le poids de l’aérospatial dans l’économie de la région Occitanie n’est plus à démontrer. Mais l’Insee, qui vient de publier les derniers chiffres concernant l’emploi dans la filière, en précise l’importance : en 40 ans, le nombre de salariés employés dans l’aérospatial a triplé, passant de 17 000 à 81 000 personnes. État des lieux d’un secteur en constant essor depuis les années 1980.
Tout commence à la fin du XIXe siècle, quand l’ingénieur murétain Clément Ader parvient à faire décoller un avion. Ce pionnier de l’aéronautique lance alors les bases d’une filière qui ne cessera de se développer dans la région toulousaine, et au-delà, sur tout le territoire de l’ex-région Midi-Pyrénées. Quelques années plus tard, la Première et la Seconde Guerre mondiale ont largement contribué à l’essor industriel de l’aéronautique, Latécoère, Breguet et Dewoitine enregistrant de nombreuses commandes militaires. Ces derniers se sont ensuite tournés vers l’aviation civile et le spatial, et ont structuré un écosystème local en constante expansion. Aujourd’hui, la filière est fortement centrée sur Toulouse : « Trois salariés de l’aéronautique sur dix travaillent dans la région en 2020 et même quatre sur dix pour le spatial », précise l’Institut national de statistiques (Insee), qui publie les derniers chiffres de l’évolution de l’emploi dans l’aérospatial.
Une proportion qui a évolué au cours des 40 dernières années. « En 1982, la filière aérospatiale emploie 17 000 salariés dans l’ex-région Midi-Pyrénées ; en 2022, 81 000 », constate Bruno Labaye, l’auteur de l’étude, soit un chiffre multiplié par trois. Une part du secteur dans l’emploi de plus en plus importante, au point qu’elle compense le déclin d’autres industries comme celle du textile, de l’habillement, du cuir, du bois, du papier ou encore de l’imprimerie. Le poids de l’aérospatial augmente régulièrement sur le marché de l’emploi depuis quatre décennies, mais il ne se concentre plus chez les constructeurs. En effet, ces dernières années, les postes ont davantage été créés dans les entreprises sous-traitantes, qu’elles évoluent dans l’industrie, l’ingénierie ou l’informatique. « Les salariés qui travaillent chez un constructeur aéronautique ou spatial ne représentent plus que cinq salariés de la filière sur dix en 2022. C’était sept sur dix en 1982 », expose l’Insee.
La croissance de la filière est essentiellement observable en Haute-Garonne, et plus précisément dans la région toulousaine : « En 40 ans, l’aérospatiale est devenue dominante dans l’industrie haut-garonnaise : la filière concentre 52% de l’emploi industriel en 2022 tandis qu’elle n’en représentait que 18% en 1982. » Mais cette dynamique s’est étendue aux départements limitrophes. Dans les Hautes-Pyrénées par exemple, l’usine de la Socata (Société de constructions d’avions de tourisme et d’affaires), installée à Tarbes, a largement participé à l’activité économique du territoire. Dans ce département, l’emploi l’aérospatial a été multiplié par deux en quatre décennies. Une tendance également visible dans le Lot, grâce à la présence historique de l’entreprise Ratier-Figeac, qui produit des hélices et des commandes de vol, et l’arrivée de Figeac Aéro, spécialisée dans l’usinage de pièces d’aluminium pour l’aéronautique. Avec 2 700 salariés en 2022 employés dans la filière, « le département est maintenant le deuxième de l’ex-région Midi-Pyrénées pour l’emploi aérospatial », affirme l’Insee. Enfin, l’Ariège suit le mouvement sous l’impulsion du métallurgiste Aubert & Duval et de Recareo, leader dans la fabrication de pièces de rechange pour avions.
La résistance de la filière aérospatiale aux multiples crises économiques s’explique pour beaucoup par des développements importants dans le secteur. D’abord, celui de l’innovation technique autour de grands projets dans les années 1980 et 1990. A commencer par le lancement de deux programmes majeurs pour le secteur : l’A320 pour l’aéronautique et Ariane V pour le spatial. Ils ont contribué au regain d’activité dont la filière a eu besoin pour se relever de la crise du début des années 1990. Le succès grandissant du premier a bénéficié à la montée en cadence d’Airbus, quand le premier vol du second a permis d’enchaîner les commandes de satellites dont Astrium (actuel Airbus Defence & Space) et Alcatel Space Industries (actuel Thales Alenia Space) ont profité.
Dans les années 2000, c’est une réorganisation majeure qui marque un tournant décisif dans l’évolution de la filière. De constructeur, Airbus passe à architecte-intégrateur. Désormais, l’avionneur demande à ses sous-traitants de lui fournir, clé en main, du développement à la conception, des systèmes complets. Un restructuration qui engendre une hausse massive des effectifs dans les entreprises d’ingénierie et d’informatique sous-traitantes, forcées d’atteindre une taille critique pour répondre aux nouveaux besoins. De son côté, Airbus aussi augmente sa masse salariale suite à l’inauguration en 2004, à Blagnac, de l’usine d’assemblage de l’A380, qui emploie plus de 3 000 personnes. Une progression qui ne sera pas déstabilisée par la crise du secteur aérien suite aux attentats de 2001 à New York ni par celle des “subprimes” en 2008, bien au contraire.
Les commandes explosent, tant dans l’aéronautique que dans le spatial, à partir des année 2010. Au point que la filière doit à nouveau s’adapter et passer à la production de masse. Un virage que prend Airbus, symbolisé par le déménagement, en 2016, du siège mondial d’Airbus à Blagnac. Et pour augmenter sa capacité de production, l’avionneur a besoin de personnel. Selon l’Insee, « entre 2010 et 2019, l’emploi aérospatial augmente de 30% dans l’ex-région Midi-Pyrénées et atteint 80 000 salariés ». Mais pour les sous-traitants, les conditions se durcissent ; il faut produire plus, plus vite et moins cher. Pour cela, les délocalisations de l’activité se multiplient et la croissance des effectifs s’infléchit, encore contractée par la crise sanitaire due à la Covid-19.
Mauvais souvenir vite oublié, puisque dès 2021, Airbus enregistre à nouveau des records de commandes, poussant l’avionneur à recruter massivement. L’aéronautique se porte donc bien, alors que le spatial est sous tension. La faute à de nouveaux concurrents offensifs, à l’image de SpaceX, la société spécialisée dans l’astronautique et le vol spatial, d’Elon Musk, actuel directeur du département de l’Efficacité gouvernementale des États-Unis. Toutefois, « fin 2022, l’ensemble de la filière aéronautique et spatiale emploie 81 000 salariés et dépasse ainsi son niveau d’avant-Covid », conclut l’Insee.
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